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— L’amour si près de moi ! C’est que la mort me presse.
La bouche du tombeau déjà s’ouvre et grandit.
Des jeux, des jeux sans nombre, et que ma cour paraisse ! —

Tout le reste du jour mille plaisirs rivaux
Traquent la vision qui les trompe et les brave.
Le rêve se dressait sous les pieds des chevaux.

La nuit vint, et longtemps l’insomnie à l’œil cave
Parut semer la rose en guise de pavots.
À son réveil, la reine en vain chercha l’esclave.


VI.


Adieu cris dans les parcs, danse, joie et santé !
L’esclave favorite avait-elle emporté
Avec elle un peu de ces âmes ?
Les vierges pâlissaient et perdaient leur vigueur,
Et, sentant pénétrer le froid sous la langueur,
La reine regrettait ses flammes.

Cependant le soleil réjouissait les cieux ;
Le zéphir apportait des bois voluptueux
Une caressante harmonie
À ce morne palais, règne muet du deuil !
Et le bruit de la vie expirait sur le seuil
Comme un large flot d’ironie.

Ton esprit est vaincu, ton corps se laisse aller,
L’espoir toujours déçu, n’osant plus s’envoler,
Retombe plus bas dans le vide.
Reine, qu’est devenu ton soleil éclipsé ?
Sur toi, de sa main noire où passe un jour glacé,
La mort étend l’ombre livide !

Et c’est dans le pays du printemps éternel,
Où la terre fermente, étreinte par le ciel,
Où le cœur comme un fruit éclate,
Où l’émanation subtile de la chair
Flotte, s’évaporant dans les flammes de l’air,
Sur le contour qui se dilate ;

Et c’est dans ce pays que tu jettes, enfant,
Tes défis, tes dédains, à l’amour triomphant ?
L’amour ne te fait pas envie ?