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du Mexique, du Guatemala, de la Colombie, de la Plata et du Brésil étant de 16,046,100, le nombre des métis est de 3,333,000, c’est-à-dire de plus du cinquième. En outre, au Mexique, le nombre des métis est précisément le même que celui des blancs ; dans la Colombie, les métis sont sensiblement plus nombreux, et dans le Guatemala leur nombre est plus que double[1].

Pour apprécier toute la portée de ces résultats obtenus par le croisement, il faut tenir compte du temps qu’ils ont mis à se réaliser et des circonstances qui ont présidé à leur développement. L’Amérique a été découverte en 1492, le Brésil en 1500 ; mais le mélange des races ne date pas de ces époques. L’expédition de Cortez est de 1519 ; la colonisation du Brésil, ébauchée sur quelques points des côtes par les Portugais et les Français, activée par la conquête momentanée des Hollandais en 1624, ne s’est développée sérieusement que plus tard. En somme, on ne peut guère rapporter à plus de trois siècles, trois siècles et demi au plus, la pénétration réciproque des races sur le sol américain. Dans cette période sont compris tous les commencemens de la conquête et de la fusion, et déjà plus du cinquième de la population est de race croisée ! Que sera-ce donc dans trois autres siècles ! que sera-ce plus tard ! N’est-il pas évident qu’après un temps plus ou moins long la moitié du continent américain appartiendra aux métis ? Cette conclusion sera certainement repoussée par les polygénistes, qui nient jusqu’à la possibilité de l’existence d’une race provenant du croisement de l’Anglo-Saxon avec le Celte ou le Slave, du Bohême avec le Germain[2] ; mais il est permis de penser que les faits passés et présens garantissent ici les faits à venir.

Sans aller aussi loin que Knox, bien des polygénistes qui trouvent partout des exemples de races hybrides, quand il s’agit des animaux, déclarent ne connaître aucun exemple de race humaine mixte. Les uns disent nettement qu’une race moyenne entre deux autres ne peut avoir qu’une existence subjective et éphémère. D’autres ne voient dans les métis américains qu’une « confusion de sang opérée sur une vaste échelle ; ils y cherchent en vain une race nouvelle[3]. » Il est difficile de se rendre compte des exigences soulevées par ces écrivains. Faudrait-il, pour les convaincre, qu’il existât un peuple tout entier rigoureusement intermédiaire entre deux autres ? Mais lorsqu’il s’agit des animaux, pas un éleveur n’en demande autant. Faudrait-il que les métis d’Amérique formassent d’ores et déjà une race limitée et assise ? Mais elle est encore en voie de formation, et

  1. Ces documens remontent aux années 1824 et 1830.
  2. Knox, Races humaines.
  3. Davia et Thurnham, Crania anglica.