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des hommes qui savent exploiter habilement ce germe fatal d’antagonisme. Puis, quand viennent des jours de crise, on s’étonne de trouver l’indifférence, l’hostilité même sur son propre sol ! Mais a-t-on le droit de demander autre chose que le paiement du fermage là où l’on n’a guère montré que sa quittance, là où l’on n’a jamais semé ni bienfaits ni travail ?


II.

Quoique l’exploitation par un fermier soit, pour le propriétaire qui ne veut ou ne peut cultiver lui-même, le mode le plus simple et celui qui procure le revenu le plus régulier, il est plusieurs situations agricoles qui ne se prêtent pas au fermage. Tantôt le pays où se trouve le domaine n’est habité que par des familles trop pauvres pour suffire avec leur propre capital à toutes les exigences de la terre, pour offrir par conséquent toutes les garanties désirables ; tantôt les voies de communication avec des débouchés importans sont si difficiles, les conditions climatériques ou culturales de la contrée multiplient dans une proportion si grande les chances mauvaises de la végétation, qu’aucun cultivateur ne veut s’exposer aux dangers et aux mécomptes de telles entreprises. Tantôt encore, mais plus rarement, le propriétaire lui-même, croyant que les bonnes années seront les plus nombreuses, sans oser cependant assumer sur lui seul les frais énormes de main-d’œuvre qu’exigent certaines cultures, contribue à entretenir chez lui et autour de lui l’habitude du métayage. La Corse, la Corrèze, les Bouches-du-Rhône, la Gironde, etc., qui comptent un nombre considérable de métayers, peuvent être citées comme exemples de ces diverses conditions. En France, ce mode d’exploitation subsiste principalement dans nos provinces pauvres et dans les régions où domine la culture arbustive des oliviers, des mûriers et des vignes, là où les récoltes exigent des soins multiples et si minutieux que ni propriétaires ni fermiers n’aiment à courir tous les risques. Cette première remarque, relative à la situation géographique du métayage, donne en même temps une idée de la force de persistance inhérente à ce système. Le métayage résulte de la nature même des choses, et il ne peut être changé que bien lentement, et par suite de l’accroissement de la richesse publique. Le développement des voies de communication et de l’industrie générale, l’augmentation de capital qu’entraîne ce développement, tels sont les seuls remèdes pratiques, les seuls qui puissent opérer d’une manière certaine et durable. Aussi trouvons-nous bien plus de fermiers que de métayers dans les