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ter et voir grandir ses arbres, revivre après sa mort dans la personne de ses fils aux lieux que l’on a aimés et disposés pour eux, tout cela n’est-il pas plein d’attrait ? — On s’identifie vite avec le sol, surtout quand on y met quelque chose de soi-même par le travail, et ce sentiment est pour beaucoup dans le prix que nous attachons à la propriété foncière. Cependant toutes les propriétés rurales ne sont point de simples villas destinées à procurer un peu d’ombrage et quelques délassemens paisibles. À côté du parc ou du jardin verdoyant s’étendent les bois, les prés, les champs, dont il faut tirer parti. Comment en obtenir le meilleur revenu ? Doit-on céder l’exploitation à un fermier, ou bien s’associer à un cultivateur voisin, ou enfin assumer sur soi-même les charges et la responsabilité de la culture ? En un mot, que sont le louage, le métayage, l’exploitation personnelle ? que doivent-ils être ? quand et à qui conviennent-ils ? Nous allons essayer de répondre à ces questions, sans perdre de vue le rôle moral qu’un propriétaire ne doit jamais négliger, lors même qu’il confie à un tiers la culture de son domaine.


I.

Quelles que soient l’origine de la propriété foncière et les théories diverses qui tendent à en justifier ou à en limiter les droits, la faculté de l’aliéner pour toujours par la vente et le don, ou pour une certaine période par le louage, reste soumise, dans nos législations, à des formalités spéciales qu’on n’a point à examiner ici. En outre cette faculté d’aliénation temporaire est également soumise, selon les circonstances agricoles au milieu desquelles on l’exerce, à de nombreuses et variables conditions économiques, dont plusieurs présentent un intérêt réel.

Et d’abord, en ce qui concerne l’opportunité, on remarquera qu’il est certaines propriétés foncières dont le louage est peu praticable, souvent même inutile. Pourquoi affermer par exemple des bois dont la coupe peut être chaque année vendue directement par le propriétaire ? Pourquoi affermer la pêche d’un étang ? Cela est possible, cela est rarement nécessaire. Les prairies et les pâtures se prêtent bien au fermage. Les produits en sont assez réguliers, l’exploitation en est simple ; elles assurent presque toujours un prompt placement à des conditions fort avantageuses. Il en est autrement de beaucoup de champs et de fermes dont l’exploitation nécessite en général des travaux pénibles, une surveillance sérieuse, une série compliquée d’opérations délicates. Ici le prix de louage (fermage) ne dépend pas uniquement de la fécondité du sol. Proportionné aux services que cette fécondité peut rendre, il dépend aussi de la concurrence que