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l’on supposa dirigés contre l’Orient, et un décret d’Honorius établit une ligne de douanes sur la Méditerranée entre les ports des pays grecs et ceux des pays latins. C’était répondre à une menace de scission par la scission même. À quelque temps de là, on saisit en Italie une lettre d’Eutrope qui provoquait à l’assassinat du régent, et bientôt on surprit un homme qui s’était chargé de le tuer.

Ce n’étaient pourtant là que les préparatifs d’un coup plus violent, médité tout à la fois contre Rome, l’Italie, l’empereur et le régent d’Occident. Au milieu de l’automne de l’année 397, la nouvelle arriva en Italie que les provinces d’Afrique venaient de se révolter, et s’étaient données à l’empire d’Orient : le fait était vrai, et la proclamation d’Arcadius avait eu lieu dans les principales villes africaines et particulièrement à Carthage. À cette première nouvelle en succéda une autre annonçant que la flotte chargée des approvisionnemens de blé pour l’alimentation de Rome avait été saisie par les révoltés, au moment où elle mettait à la voile dans les ports d’Afrique. On sut enfin que le chef de l’insurrection était le commandant même de ces provinces, le Maure Gildon, qui les tenait de l’empire avec le titre de comte d’Afrique.

Pour comprendre combien ces événemens et surtout la saisie de la flotte annonaire, comme on l’appelait, durent alarmer l’Italie, il faut dire que depuis deux ans la récolte des blés avait été nulle dans ce pays, pour deux causes opposées, mais également fatales, une inondation des rivières suivie d’une sécheresse obstinée. Quoique la dernière moisson fût à peine rentrée, on attendait déjà avec impatience les arrivages de l’Afrique, où le ciel plus propice avait donné une récolte abondante, et peut-être les préfets de l’annone et de la ville, inquiets de l’avenir, allaient-ils, comme faisait Symmaque au temps de sa préfecture, épier du haut des collines du Tibre quelque bienheureuse voile venant d’Ostie avec un chargement de grains. À ce cri : « La flotte est saisie ! » Rome fut presque en révolution. Le peuple en tumulte remplit les mes et les places, insultant les magistrats, qu’il accusait de négligence, et mêlant la menace aux accusations. Ainsi donc perte d’une grande province, famine, guerre, sédition, tout venait fondre à la fois sur cette ville infortunée, et la main d’Eutrope se montrait partout. Stilicon, avec une louable activité, combattit d’abord la disette en ramassant les quantités de farine et de blé que pouvaient fournir les diverses contrées de l’Italie et les faisant transporter à Rome ; en même temps, une flotte équipée en toute hâte partait de Pise pour aller parcourir dans la même intention les ports de la Gaule et de l’Espagne.

Quant à l’insurrection de l’Afrique et aux mesures à prendre pour