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des associations nationales[1] : « Il ne faut pas se restreindre, disent-elles, à sauvegarder les intérêts du Holstein ; il faut que notre action s’étende pour sauver aussi les droits sacrés de l’Allemagne quant au Slesvig. Si le moment n’est pas favorable pour mettre en avant nos prétentions, il vaut mieux attendre et tenir l’affaire en suspens que de pousser à une solution qui laisserait le Slesvig hors de cause. » Et les journaux de toutes couleurs, réactionnaires ou radicaux, libéraux ou conservateurs, tous d’un bout de l’Allemagne à l’autre énoncent les mêmes prétentions. Le même thème est développé par les députés des chambres de Hanovre, de Saxe, de Bade, de Wurtemberg, de Bavière et de Prusse. Il est même devenu, il y a quelques mois, le sujet de singulières déclarations dans la seconde chambre à Berlin.

Dans la séance du 3 mai 1860, à propos de quelques pétitions, un certain nombre de membres de cette chambre exhortèrent le gouvernement prussien à prendre énergiquement en main les intérêts et la défense de la population allemande du Slesvig, suivant eux fort opprimée. M. de Schleinitz, ministre des affaires étrangères, abonda dans leur sens, et affirma que le gouvernement du roi de Prusse avait cette cause fort à cœur, qu’il ne laisserait échapper aucune occasion d’en donner les preuves. Ces paroles, tout au moins imprudentes, devinrent l’occasion d’un échange de dépêches intéressantes entre les cours de Copenhague et de Berlin. Ces dépêches n’ont pas reçu de publicité en dehors du Danemark : elles sont cependant fort intéressantes ; la comparaison de ces pièces diplomatiques fait connaître clairement les argumens des deux parties ; on trouve d’un côté un langage net, sensé, inspiré par le droit et, la raison, de l’autre des ambiguïtés, des équivoques, du dédain, en un mot l’embarras d’une mauvaise cause qui, à défaut du droit, sent la force entre ses mains.

Dès le 16 du mois de mai, le ministre des affaires étrangères de Danemark, M. Hall, écrivit au ministre danois à Berlin, M. de Brockdorf :


« Monsieur le baron, la chambre des députés de Prusse s’est plu récemment à faire entrer dans le domaine de ses débats les affaires du duché danois de Slesvig, et elle a pris une résolution par laquelle, en transmettant au gouvernement du roi les pétitions soumises à la chambre, elle exprime la confiance que celui-ci, « de concert avec ses confédérés, ne négligera rien pour procurer enfin aux duchés de Slesvig et de Holstein la pleine jouissance de leurs droits outragés. » Si le gouvernement du roi de Danemark a pris connaissance de ces débats avec une bien grande surprise, c’est

  1. Qu’on prenne les résolutions du National-Verein d’Eisenach, du 20 janvier 1861, ou celles du National-Verein établi à Kiel, en date du 13 du même mois : c’est partout le même langage.