Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la conception imposée par l’Allemagne. Le ministère vint dire aux chambres réunies à Copenhague : « La constitution danoise, telle qu’elle a été donnée en juin 1849, telle que nous l’aurions tous conservée avec plaisir, n’existe plus. Ce qui faisait le fond même de la constitution donnée à la monarchie danoise a disparu le 28 janvier 1852. Il ne faut jamais oublier cela ; il ne sert à rien de l’oublier. Ce qui en subsiste aujourd’hui, c’est une forte et libre constitution pour le royaume de Danemark. Si nous voulons affermir cette constitution pour le royaume, ne perdons pas le temps à nous quereller sur les restes froids et périssables de la constitution de la monarchie, dont il n’y a plus rien à faire. » Un orage éclata à ces paroles, mais un orage impuissant : le ministère exprimait le langage de la nécessité à laquelle il fallait obéir. Oui, dorénavant et de par la constitution commune qui allait être publiée, le Slesvig ne faisait plus partie du royaume de Danemark, lequel ne comprenait désormais que le Jutland propre et les îles. Ce royaume était réduit à l’état de province, au même titre que le duché de Slesvig ou que le duché de Holstein ; la constitution libre donnée le 9 juin 1849 n’était plus destinée à s’étendre à la monarchie, mais elle devenait une constitution particulière et provinciale en attendant que le roi en octroyât une autre pour le Slesvig et une pour le Holstein ; les chambres réunies à Copenhague n’étaient plus le parlement danois, mais la représentation particulière et provinciale d’une partie de la monarchie ; les affaires particulières de ce qu’on appelait désormais le royaume proprement dit ressortissaient seules de leur autorité, comme les affaires particulières du Slesvig ou du Holstein ressortiraient seules de l’autorité des états provinciaux qui allaient se relever dans ces duchés. Quant aux affaires communes intéressant toute la monarchie, elles allaient être confiées à une assemblée nouvelle, le rigsraad, réunissant les représentans de toutes les différentes parties de l’état d’ensemble. On comprend, sans qu’il soit besoin de beaucoup d’explications, tout le danger d’une telle création : les députés du Holstein, duché allemand et dépendant de la confédération germanique, allaient siéger dans, cette assemblée commune à côté des députés du royaume et de ceux du Slesvig, avec un droit égal à délibérer sur les affaires communes ; ils allaient faire intervenir dans ces délibérations des intérêts en partie allemands ; bien plus, si l’on se rappelait l’union que le germanisme avait jadis créée entre le Slesvig et le Holstein, si l’on réfléchissait que la réaction nationale avait a peine brisé ces liens, que l’insurrection de 1848 avait pris pour mot d’ordre le schleswig-holsteinisme (comme on dit et comme on écrit en Allemagne), on n’avait pas de peine à comprendre que laisser le Slesvig soumis à des institutions différentes de celles du royaume, mais semblables à celles du Holstein, c’était exposer le duché danois à subir