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mais la confédération n’observe pas scrupuleusement elle-même ses propres lois : elle interprète les textes, en élargit ou en restreint le sens au gré de ses intérêts ou plutôt de ses passions. Ainsi s’est-elle comportée dans l’affaire de la constitution hanovrienne sous Ernest-Auguste, dans l’affaire du duc de Brunswick, quand il a été chassé de ses états, quand la Prusse, au commencement de la guerre d’Italie, a déclaré qu’elle ne se soumettrait pas à l’avis de la majorité des états fédérés, hier encore au sujet de la proposition de la Hesse grand-ducale, quand elle a soutenu l’existence de l’association nationale (National-Verein), interdite par les lois fédérales sur le territoire allemand. Nous nous trompons fort, ou il est facile de démontrer que la confédération germanique en agit de même, donnant une interprétation arbitraire à ses propres lois, dans l’interminable différend dano-allemand.

S’il est vrai que la confédération germanique obéisse à ses passions et à ses caprices plutôt qu’à ses lois, est-il heureux pour l’Europe d’avoir au milieu du continent cet élément perpétuel d’incertitude politique ? Les petits états y trouvent un fort dangereux voisinage, les grands états n’en peuvent attendre aucune sûre alliance, et n’en pénètrent souvent que fort tard les patientes et obscures menées. Ce n’est pas la nation allemande, c’est la diète de Francfort qui est responsable de ces dangers ; la diète de Francfort représente bien moins le peuple allemand que les gouvernemens allemands, avec leurs rivalités mutuelles, leurs jalousies et leurs dissensions. Que l’Allemagne en soit affaiblie la première, cela semble évident, et nous savons bien que, selon les axiomes d’une vieille école en diplomatie, si le voisin est malade par quelque endroit, il faut s’en réjouir et l’entretenir du mieux qu’on pourra dans son fâcheux état ; mais il n’est pas bien sûr, après examen, que ce conseil de l’égoïsme soit le plus salutaire, Nous avons bien pu profiter, au commencement de la guerre d’Italie, de la lenteur de mouvemens du grand corps germanique ; mais qu’une guerre générale vienne à éclater demain, serons-nous certains que la diète fédérale n’étouffera pas, au gré d’une des ambitions qui la dominent, des ambitions ou des sympathies qui nous seraient favorables ? Si en outre la diète se fait l’instrument docile d’une passion devenue populaire en Allemagne, et d’une passion qui flatte certaines espérances politiques, alors on est en présence d’un dessein particulier qui se sert des forces de tout un peuple en se masquant derrière ses aspirations, réelles ou factices, et qu’on ne sait comment atteindre. C’est l’histoire du rôle qui est fait à la Prusse et qu’elle accepte volontiers dans le débat de l’Allemagne contre le Danemark.

L’Allemagne a soif d’unité : un parti puissant veut réaliser cette