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fatigués, je le comprends, après les marches de la journée d’hier ; allons, reposez-vous un peu. » On s’arrête, on se groupe, on reprend haleine. Au bout de quelques minutes, il parle, toujours avec sa voix incomparablement douce. « Allons, cela va mieux, n’est-ce pas ? Ce n’était que de la fatigue, je le savais bien ; mais vous avez tiré assez de coups de fusil pour aujourd’hui : il faut ménager nos munitions, nous n’en aurons pas d’autres pour arriver jusqu’à Naples. Allez me bousculer tous ces drôles-là à coups de baïonnette ! » Il les lance, et lui-même va retrouver son corps, qui, dans ce moment, tournait la ville en silence et parmi les ténèbres. La charge à la baïonnette fut décisive ; les royaux, ouverts et repoussés, allèrent chercher refuge dans la citadelle. Un petit fort s’élève au bas de la ville, Bixio le prit.

Garibaldi et Missori étaient arrivés derrière la citadelle et l’attaquaient ; nos soldats, armés d’excellentes carabines anglaises, fusillaient les artilleurs qui se montraient entre les nierions, mais nous n’avions point de canons, et les royaux n’en manquaient guère. Bixio, déjà établi au centre de la ville, s’était emparé du bâtiment des prisons, où les royaux avaient logé plusieurs compagnies de chasseurs ; il y trouva des munitions et deux pièces d’artillerie, qui, envoyées sans délai à Garibaldi, furent immédiatement tournées vers la citadelle, qu’elles dominaient et battaient victorieusement de haut en bas. Le jour était venu, puis le soleil, et à sa grande clarté la bataille faisait rage, dans la ville avec Bixio, autour de la forteresse avec Missori et Garibaldi. Tout à coup ce dernier apprend que le général napolitain Briganti, qui se trouvait sur la côte calabraise, en face de Messine, à Villa-San-Giovanni, entre les forts d’Alta-Fiumara et de Punta-del-Pezzo, arrivait à marche forcée, au bruit du canon, avec trois mille hommes, pour porter secours à Reggio. Garibaldi quitte immédiatement le combat, s’en fiant à ses lieutenans pour terminer l’affaire, prend avec lui la moitié de la brigade Eberhard et court au-devant de Briganti, qui, voyant de loin les casaques rouges éclater au soleil avec l’étincellement des fusils, se met en retraite et va prendre abri sous les canons d’Alta-Fiumara. Garibaldi retourne alors à Reggio et donne une impulsion plus forte au combat, que cependant nul ne laissait ralentir en son absence. Les Napolitains avaient évacué toute la ville, la lutte était concentrée à la citadelle, où nos boulets entraient à chaque coup et jetaient bas quelques graves défenseurs de François II ; le colonel Lorenzo tomba ainsi à la tête de ses hommes, en criant : Vive le roi ! et découragea par sa mort les soldats que sollicitaient de loin nos appels à la liberté. Vers midi, le château étant serré de très près, un grand nombre de Napolitains se voyant prisonniers, et beaucoup