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MÉNON.

Colotès te fait demander si tu monteras aujourd’hui à l’Acropole.

PHIDIAS.

Réponds-lui que j’y serai une heure avant le coucher du soleil. (Ménon sort.)

SCÈNE III.
PHIDIAS, PÉRICLÈS.
PÉRICLÈS.

Je ne puis m’accoutumer à la figure de cet esclave.

PHIDIAS.

Tu as dû le voir rarement. Il appartenait à mon frère Plistænète ; je ne l’ai que depuis sa mort, et l’emploie dans mes ateliers de l’Acropole.

PÉRICLÈS.

Ses traits expriment la bassesse.

PHIDIAS.

Cela doit être, car il est superstitieux à l’excès, et la superstition suppose la lâcheté. Ménon est toujours chez les prêtres qu’il redoute, chez les devins qu’il consulte, ou chez quelque magicienne nouvellement arrivée de Thessalie, de sorte que tout l’argent qu’il gagne passe en sacrifices et en conjurations.

PÉRICLÈS.

Il est dans la main de tes ennemis.

PHIDIAS.

Je le crains.

PÉRICLÈS.

Je sais qu’il leur sert d’espion.

PHIDIAS.

Tu es bien renseigné.

PÉRICLÈS.

Et tu le gardes ?

PHIDIAS.

Je lui ai offert sa liberté, il l’a refusée.

PÉRICLÈS.

Que ne le vends-tu ?

PHIDIAS.

Ce serait renouveler pour lui les rigueurs de l’esclavage. Quel maître aura pour ce malheureux autant d’indulgence que moi ? Je le traite à l’égal de mes élèves.

PÉRICLÈS.

Mais il te trahit.

PHIDIAS.

Ce sont mes bienfaits qu’il trahit.

PÉRICLÈS.

Il te dénoncera un jour.

PHIDIAS.

On ne dénonce que les coupables.

PÉRICLÈS.

Il te perdra peut-être.