Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

explications qui devront être données au pays dans les discussions de l’adresse sont ceux qui touchent à la politique intérieure. Parmi les questions intérieures, il en est deux qui dominent toutes les autres : c’est la question de la régularité et de la liberté des élections et la question de la liberté de la presse. Le corps législatif, en se montrant sévère envers des élections irrégulières, a témoigné une vigilance dont on doit lui savoir gré. Si nous voulons tous être sincères dans la pratique du suffrage universel, nous devons nous appliquer à garantir, par une étroite surveillance et par d’infatigables protestations, la liberté et la régularité du vote ; nous sommes tenus de travailler à éclairer le suffrage universel et à l’affranchir des entraves qui l’empêchent de s’exercer avec discernement, avec choix, c’est-à-dire dans ces conditions de liberté et d’indépendance que l’on ne peut séparer sans une contradiction monstrueuse de la notion de la souveraineté populaire. Un écrit qui a été remarqué, l’Instruction populaire et le Suffrage universel, vient avec opportunité de signaler à l’opinion publique et au gouvernement les lacunes de l’instruction du peuple et les obstacles artificiels et réglementaires qui l’empêchent véritablement de mériter sa souveraineté, ou de l’exercer pleinement dans le domaine de son éducation morale. Chose bizarre et contradictoire ! comprend-on que dans un pays dont le suffrage universel est la loi vivante, un tel luxe de tutelles soit déployé à l’égard du peuple, comme s’il n’était point arrivé encore à l’âge de la majorité politique que la pleine liberté seule inaugure pour les citoyens. C’est dans la liberté que la brochure à laquelle nous faisons allusion indique la solution du problème de l’instruction populaire. Partant d’un autre point de vue, l’auteur de la brochure la Liberté et les Affaires, M. Guéroult, apporte en faveur de la liberté de la presse une démonstration non moins décisive. Nous ne partageons pas les idées économiques développées par M. Guéroult autour de sa thèse principale, mais nous sommes de son avis lorsqu’il affirme que la liberté de la presse peut seule exercer une action préventive en faveur du public sur les spéculations financières et industrielles que nous avons vues si souvent, depuis que la presse est engourdie par le monopole, dégénérer en désastres et en scandales déplorables. Il y a longtemps que nous avons nous-mêmes invoqué l’intérêt des affaires en faveur de l’affranchissement de la presse. Un éclat récent, dont la triste impression est toute vivante encore dans l’opinion émue, prête à la revendication de la liberté des journaux un argument d’une opportunité saisissante. Il est à craindre que l’époque dans laquelle nous vivons ne reçoive une marque fâcheuse dans l’histoire de ces grands scandales financiers que l’on croyait impossibles depuis la chute de l’ancien régime. Ceux qui auront à mentionner ces faits comme un trait regrettable de nos annales devront constater en même temps que, pendant la période où ils se produisirent, la presse en France ne fut point libre.

La mort a depuis quelque temps d’inexorables préférences pour la littérature,