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nous. Tous les commentaires seraient impuissans ou sont superflus. Amis ou ennemis, qui peut croire encore à l’existence du pouvoir temporel de la papauté ? Nous ne reviendrons pas sur les circonstances au milieu desquelles a vécu la papauté depuis tant d’années, et qui étaient la négation des conditions de l’indépendance que l’on revendiquait pour elle. Prenez l’état présent des choses. La cour de Rome veut, par une obstination que nous ne refusons pas de déclarer honorable, conserver les charges d’une situation dont toutes les ressources lui ont été enlevées. Dépouillée de ses provinces, cernée de toutes parts, réduite au simple patrimoine de saint Pierre, elle garde le poids des obligations financières et du budget d’un état qui lui a échappé. Pourrait-elle nier elle-même qu’elle ne doit encore la possession précaire de Rome qu’à un contre-sens de la politique française, qu’à l’appui militaire que lui prête une politique qui ne craint pas d’affaiblir moralement le gouvernement pontifical par la censure publique de toute la conduite antérieure de ce gouvernement, une politique que ce gouvernement de son côté, malgré la protection matérielle qu’il en reçoit, n’hésite point en toute occasion à frapper d’un blâme énergique ? Cela peut-il durer ? Est-il possible que des deux parts on puisse continuer à vivre longtemps dans un tel chaos de contradictions et d’inconséquences ?

Pour les esprits sincères, résolus, à qui les illusions puériles sont insupportables, et qui refusent de se duper eux-mêmes, l’événement est consommé : au moins pour un temps indéterminé, c’en est fait du pouvoir temporel de la papauté, et l’unité de l’Italie est accomplie. Devant un événement si considérable, la netteté et la franchise des opinions sont un devoir pour tous, un devoir devant lequel la cause libérale surtout ne saurait reculer. La cause libérale en France doit-elle se prononcer pour l’unité de l’Italie et pour la fin la plus prompte de cette triste et lamentable agonie du pouvoir temporel de la papauté ? Nous répondons oui sans hésiter, et en répondant ainsi, nous sommes sûrs d’être les organes des vrais principes, des véritables intérêts, des traditions certaines de la cause libérale en France.

Nous n’ignorons point que dans cette grave question d’illustres dissidens se séparent de nous. Ces dissentimens nous affligent, mais il y aurait de la maladresse et peu de dignité à feindre qu’on les ignore. Nous préférons rechercher l’explication naturelle des déviations d’opinion que, pour notre malheur, nous avons à déplorer chez quelques hommes éminens auxquels nous sommes liés par une vieille habitude d’admiration et de respect. En France et à l’étranger, on éprouve une surprise, dont nous avons été souvent témoins, à rencontrer dans certains grands noms de notre histoire contemporaine des adversaires de la cause italienne. Induits en erreur par ce trompeur indice, les étrangers vont même jusqu’à prêter au libéralisme français les opinions singulières de quelques-uns de nos amis sur l’Italie. Ce malentendu injuste ne nuit pas peu à la cause libérale française parmi les libéraux européens ; nous ne devons à aucun prix le laisser subsister. Les