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de Lewenhaupt, mais en tenant secret le but principal de l’expédition. Le gouvernement russe, forcé d’envoyer une armée contre la nôtre, désigne précisément le corps sur lequel la princesse comptait. Voilà la princesse obligée de précipiter le coup et de se déclarer la veille du départ. Or le 21 octobre 1741 le comte de…, revenu de Livonie à Stockholm, a rêvé que le précepteur de son fils lui a annoncé l’avènement au trône de la princesse Élisabeth à la suite d’une révolte. Il en parle à diverses personnes. Le ministre Höpken, qui connaissait bien la situation, est irrité que le secret ait transpiré trop tôt ; il mande le comte et l’interroge. Celui-ci dit qu’il l’a su par un rêve, et Höpken lui conseille de s’en taire avec soin, parce que cela pourrait lui coûter la vie. Huit jours après, on apprend que, pendant cette même nuit, la révolte a eu lieu, et Élisabeth est montée sur le trône ! — Qu’est-ce donc que cela ? (Quid hoc ?)

« Pressentimens. — Linné raconte de plusieurs hommes, sous le coup de la Némésis divine, qu’ils ont pressenti leur malheur, mais qu’ils n’ont pu l’éviter. Pour d’autres, de bizarres circonstances les ont avertis d’un danger prochain. Deux de ses élèves, Löfling et Forsskal, en partant pour leurs lointains voyages, ont trébuché. Linné en a conclu qu’ils ne reviendraient pas. Des chevaux ont eu le pressentiment de quelque voyage funeste et ont résisté au départ, et puis le cavalier s’est noyé, etc.

« Signe du destin. — Un inconnu dînait dans une auberge ; un voyageur arrive. Pendant qu’il attend des chevaux, l’aubergiste l’invite à entrer ; mais la présence de l’inconnu lui est insupportable, il sort, et reste sous une pluie battante. L’hôte le fait entrer de nouveau. Il lui est impossible de rester, et quand l’hôte lui en demande la cause, il la lui déclare franchement. L’aubergiste dit alors à l’inconnu : « Qu’y a-t-il donc entre vous et ce voyageur pour qu’il ne puisse pas supporter votre figure ? » L’inconnu répond : « Je ne l’ai jamais vu et ne lui ai jamais adressé la parole ; » mais, en partant l’inconnu dit au voyageur : « Gardez-vous de devenir mon fils. » — L’inconnu était le bourreau, et six mois après la tête du voyageur tombait sous sa hache.

« Voix de la nature. — Des paysans fauchaient dans une île et transportaient du foin par bateaux. Une fille qui travaillait avec eux est prise du mal d’enfant, n’en dit mot, accouche derrière un buisson et y abandonne son fruit. Le soir, quand les moissonneurs retournent au logis, une chienne qu’ils avaient oubliée sur le rivage se met à hurler, se jette à l’eau et s’efforce de nager en tenant son petit suspendu à sa gueule. Quand la malheureuse fille voit cet irrésistible attachement de la pauvre bête pour sa progéniture, elle sent le reproche, tombe à genoux, supplie les rameurs de la reconduire à l’île, et sur leur refus menace de se noyer. Étonnés, ils font ce qu’elle désire, et elle ramène son enfant. »

Il y avait du temps de Linné des théologiens à Upsal. Ses biographes nous apprennent que, bien qu’il observât exactement les pratiques imposées