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philosophique qu’on appelait alors héllénisme, dernière forme du polythéisme grec, uni aux superstitions de la théurgie. Si la doctrine symbolique, au moyen de laquelle les philosophes pythagoriciens et platoniciens prétendaient expliquer les fables du culte païen, trouvait, dans les écoles d’Alexandrie de savans et courageux interprètes, ceux d’Athènes l’emportaient en considération, par le siège même de leur enseignement. On s’y croyait en communication plus directe avec les divinités et les génies, surtout avec Minerve, dont cette ville célèbre portait le nom.

Sans être, comme Stilicon ou Fravitta, un Barbare civilisé par l’étude, et sans nourrir à cet égard aucune prétention, Alaric avait assez entendu parler d’Athènes pour éprouver un vif désir de la voir ; mais, quoique chrétien, il ressentait en même temps une secrète frayeur à l’idée de la profaner. Il lui semblait sans doute que les grands dieux qui s’en montraient jadis les protecteurs assidus pouvaient se réveiller au bruit de la violation de leurs temples. En vain les fanatiques en manteau noir (c’est ainsi que les païens désignaient les moines) vinrent le trouver dans son camp pour l’exciter à détruire ce dernier habitacle des démons, le Balthe s’y refusa, et d’ailleurs les magistrats de la cité surent à propos le désarmer par leur soumission. Déjà maître du Pirée, il se proposait de bloquer hermétiquement la ville, où se faisait sentir un commencement de famine, quand les archontes apportèrent dans son camp des propositions de paix. Ils consentaient à recevoir Alaric, mais seul, ou suivi d’une simple escorte, demandant que non-seulement son armée ne pénétrât point dans leurs murs, mais qu’elle évacuât au plus tôt le territoire de l’Attique, en s’abstenant de tout dégât : à ces conditions, la ville ouvrait ses portes et payait pour sa rançon une somme considérable en or et en objets précieux. Alaric accepta des propositions qui allaient au-devant de ses vœux ; le traité fut juré de part et d’autre, et le lendemain le chef d’une armée barbare, fédérée de l’empire de Constantinople, faisait son entrée dans Athènes, p&r là même porte qui avait autrefois donné passage aux légions de Sylla.

Reçu en grande pompe par les magistrats, le roi goth fut installé dans la splendide demeure qu’on lui avait préparée. Il lui prit alors la singulière fantaisie de mener pendant une journée dans les murs d’Athènes la vie d’un véritable Athénien. S’étant fait conduire d’abord au bain, il voulut visiter ensuite les monumens les plus renommés, puis l’Académie, le Lycée, le Portique, où le Barbare intelligent et curieux se fit expliquer ce qu’on appelait les merveilles des arts. À l’heure du dîner, on l’amena au Prytanée, où, sur l’invitation des archontes, les principaux citoyens lui offraient un grand repas. Le