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par la juxtaposition de ces teintes. — Prosper Lucas parle d’un hybride de pigeon noir et de tourterelle blanche dont le plumage était en damier noir et blanc. — Girou a vu le croisement de bœufs noirs avec des vaches blanches donner des métis tantôt pies et tantôt gris, et selon Grognier ce dernier cas serait le plus fréquent chez les chevaux dans des circonstances semblables[1]. On ne saurait donc tirer de conclusions bien nettes de cet ordre de considérations ; mais nous verrons que, même en acceptant comme vraie jusqu’à un certain point l’opinion que je viens de rappeler, les faits observés dans l’espèce humaine s’accorderaient fort bien avec la doctrine monogéniste.

Tout ce que nous venons de dire des caractères physiques est également vrai pour les facultés et les instincts chez les animaux. Quelques voyageurs affirment que les Esquimaux cherchent à croiser les chiennes de leurs attelages avec le loup, et que les hybrides résultant de ces unions sont à la fois plus forts, plus vigoureux, mais aussi bien plus féroces que les chiens de race pure. En revanche, Burdach cite, d’après Marolles, l’exemple de semblables hybrides doux et maniables comme des chiens, et dont la souche sauvage ne se trahissait que par leur goût vorace pour la viande. Parfois dans la même famille on rencontre les deux extrêmes, et les deux espèces que nous venons de citer fournissent encore un exemple curieux de ce mélange. Le croisement d’un chien et d’une louve produisit deux mâles semblables à la mère par la forme, par les mouvemens, par l’aversion pour les hommes et les chiens. Une femelle de la même portée avait une tête de chien, se plaisait avec les individus de l’espèce paternelle, et avait pour les hommes beaucoup moins d’aversion que ses frères. Burdach, qui rapporte ce fait d’après Masch, emprunte au même auteur un fait tout semblable présenté par une famille de métis ayant pour père un sanglier et pour mère une truie. Ces faits et bien d’autres que nous pourrions ajouter encore trouveront leur application à l’histoire de l’homme.

Abordons maintenant et étudions avec quelque détail la question la plus intéressante sans contredit de celles qui se rattachent à la transmission des facultés que possèdent les parens. Les métis, les hybrides sont-ils féconds, et le sont-ils également ? Peuvent-ils aussi bien les uns que les autres se marier entre eux et donner ainsi naissance à des séries de générations dont une paire, métisse

  1. Je pourrais multiplier considérablement les citations relatives aux variations nombreuses que présente l’hérédité sous le rapport du mode de transmission des caractères ; mais les quelques exemples cités suffiront, je pense. Les lecteurs curieux de connaître un plus grand nombre de faits les trouveront pour la plupart réunis dans les ouvrages de MM. Geoffroy, Godron, Prosper Lucas, et dans le Traité de Physiologie de Burdach.