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David, des Grecs dès le temps d’Homère, et les hybrides qu’enfante le croisement du bouc avec la brebis, du bélier avec la chèvre, avaient reçu des Romains des noms différens.

Un autre point de ressemblance se manifeste entre les hybridations animales et végétales dans l’incertitude des résultats, dans la diminution de la fécondité. À la ménagerie du Muséum, des singes d’espèces parfois très voisines s’unissent fréquemment entre eux, et pourtant M. Geoffroy ne compte que trois cas d’unions fécondes. — On a tenté au Muséum à diverses reprises de reproduire ces titires et ces musmons[1] que connaissaient si bien les éleveurs romains : Buffon et Daubenton en obtinrent deux exemples ; M. Isidore Geoffroy a été moins heureux, tandis que ces mêmes hybrides sont dans l’Amérique du Sud l’objet d’une industrie sur laquelle nous reviendrons. — Le croisement du lièvre et du lapin, tenté des milliers de fois, et probablement sur tous les points du globe où se rencontrent ces deux espèces, par des éleveurs aussi bien que par des savans, a constamment échoué, excepté dans deux ou trois cas, sans que rien permette de juger des conditions qui ont amené ces succès exceptionnels[2]. — Tous les amateurs d’oiseaux savent combien sont irrégulières les couvées, d’ailleurs faciles à obtenir, du canari marié à notre cini ou à notre chardonneret, etc. — Une oie ordinaire croisée avec le cygne chanteur ne donna à Frédéric Cuvier qu’un seul œuf fécond sur neuf qu’elle avait pondus. — Enfin, en tenant compte de tous les faits connus, on voit qu’il n’existe peut-être que deux espèces, l’âne et le cheval, dont le croisement soit à peu près toujours et partout fécond. Ici, quelle que soit l’espèce qui fournisse le père ou la mère, le succès paraît être également assuré. Si le bardot fils du cheval et de l’ânesse est plus rare que le mulet issu de l’âne et de la jument, le fait ne doit être attribué qu’au choix de l’homme, qui ne saurait tirer du premier, toujours plus petit et plus faible, d’aussi bons services que du second.

Nous venons d’examiner, succinctement il est vrai, ce que sont chez les végétaux et les animaux le métissage et l’hybridation accomplis

  1. Le premier est le fils du bouc et de la brebis, le second descend du bélier et de la chèvre.
  2. On trouvera tous les détails relatifs aux léporides issus de ce croisement dans une brochure où M. Broca, secrétaire général de la Société d’anthropologie, aborde avec beaucoup de savoir et d’esprit, mais dans un sens tout opposé, plusieurs des questions que nous avons traitées ici. Recherches sur l’Hybridité en général et sur l’Hybridité humaine en particulier. M. Broca donne en particulier des détails très circonstanciés sur les léporides obtenus par M. Roux, président de la Société d’agriculture de la Charente, qui a fondé sur le croisement dont nous parlons une véritable exploitation. M. Broca, qui a fait deux fois le voyage d’Angoulême pour étudier les procédés d’élevage de M. Roux, n’a d’ailleurs pas été plus heureux que la presque totalité de ses devanciers, malgré de nombreuses tentatives.