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le nom de ses apprentis, il n’exerce à leur égard aucune surveillance. Même quand on obéit à la lettre de la loi, on ne le fait pas d’une façon sérieuse ; à l’heure dite, la manufacture ouvre ses portes, les apprentis envahissent l’école communale, dont ils troublent les exercices ; le maître les voit venir avec chagrin, et n’interrompt pas pour eux la leçon commencée. Leur présence, dans ces conditions, n’est guère qu’une formalité ; ils n’en retirent aucun profit, et nuisent aux autres élèves. Ce n’est pas avoir d’école pour les apprentis que de ne pas avoir une école, ou du moins des heures d’école pour eux seuls.

Ajoutons que ces premières connaissances ne sont si précieuses que parce qu’elles sont l’unique moyen d’en acquérir de plus étendues. Pour que les écoles primaires produisent tous leurs fruits, il faut qu’elles donnent aux enfans le goût de l’instruction et de la lecture. Deux ou trois ans passés languissamment dans une école n’aboutissent qu’à une instruction tout à fait insuffisante, si l’ouvrier n’a pas les moyens de revenir sur ce qu’on lui a enseigné et de pousser un peu au-delà. On a beaucoup fait à Paris pour favoriser la bonne volonté de ces vaillans esprits qui, au lieu de se plaindre éternellement de leur sort, sans dignité et sans justice, entreprennent de le changer, ou tout au moins de l’améliorer, en acquérant de l’instruction. Il y a dans la rue du Vertbois une école qui porte le glorieux nom de Turgot, et qui prépare les enfans d’ouvriers aux diverses carrières industrielles[1]. Cette école est dirigée avec autant de zèle que de talent par M. Marguerin. Le cours normal y dure trois ans. Elle met les élèves en état d’entrer aux écoles d’arts et métiers de Châlons, Angers et Aix, à l’École Centrale, à l’École des Beaux-Arts. S’ils se consacrent immédiatement à l’industrie ou au commerce, leur aptitude spéciale ne tarde pas à leur créer de bonnes positions. Il est vrai que l’école, dont le prix est assez élevé (15 fr. par mois), n’est accessible qu’aux enfans d’ouvriers aisés ; mais la ville de Paris, qui l’a fondée et qui l’entretient, y a institué cent places de boursiers. Toutes ces bourses se donnent au concours, et sont un puissant encouragement pour les élèves des écoles primaires.

Le Conservatoire des arts et métiers a aussi ce qu’il appelle sa petite école, où l’on enseigne le dessin, la géométrie appliquée, quelques-unes des matières du programme de l’école Turgot. Les classes d’adultes, spécialement fréquentées par des ouvriers et des employés du petit commerce, sont au nombre de trente environ

  1. On a créé récemment, passage Saint-Pierre, une école analogue pour les jeunes filles. Cette école est encore à ses débuts, mais elle ne peut manquer de rendre les plus grands services.