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quantité et au détail pour les réparations urgentes. Même à un prix moyen de 1 franc 50 centimes, elle serait trop chère pour être utilisée comme amendement. Les fermiers, grâce au transport à bon marché que leur procurent les nombreux animaux élevés sur chaque ferme, peuvent donc ne compter comme frais accessoires du prix d’achat que la ferrure des animaux et l’usure des charrettes.

Le grand nombre de sources qui jaillissent du sol, la profondeur du terrain, circonstances très favorables pour la culture, nuisent au contraire à la solidité des chemins ruraux. Les ruisseaux qui traversent les chemins en inondent les parties basses ; les eaux de pluie, ne trouvant pas toujours d’écoulement facile, ne pouvant s’évaporer que lentement à cause de l’ombrage épais des arbres qui bordent le chemin, détrempent le terrain, qui, broyé en même temps par les roues des charrettes, se transforme en une mare de boue. Dans quelques endroits, cette boue ne sèche pas même en été, et oppose en hiver des obstacles souvent invincibles à la circulation, parce qu’elle forme des espèces de bassins où les animaux resteraient embourbés, si on les y engageait imprudemment. Tel chemin présente sur un parcours assez long une surface solide et sablonneuse, puis, dans les endroits où la terre végétale est plus profonde et le sous-sol moins résistant, des fondrières se creusent, véritables tranchées aux bords escarpés qui interceptent le passage. Si les champs voisins sont au même niveau que le chemin, on pourra passer en tournant l’obstacle ; malheureusement le niveau des chemins est en général considérablement abaissé au-dessous des terres environnantes : la terre végétale qui les couvrait a d’abord été entraînée par les eaux ; puis le travail des roues, les pluies abondantes, ont raviné le sable. Tous les ans, une couche nouvelle s’en est allée, et d’anciens chemins se trouvent aujourd’hui enfoncés à plusieurs mètres, bordés de talus à pic qui ne laissent entre eux que la largeur nécessaire à une charrette. L’érosion lente et continuelle de la terre par les eaux a quelquefois découvert de gros rochers qui, une fois dégarnis jusqu’à lit base, ont roulé sur le sol du chemin. À moins qu’ils n’opposent une barrière infranchissable, l’incurie des paysans les laisse dans cet état. C’est principalement sur les fortes pentes que se rencontrent ces masses cyclopéennes mises à nu par l’action du temps.

Ces routes sauvages qui suivent tous les accidens du terrain, tantôt encaissées dans de verts talus, tantôt à découvert sur le sommet des collines où le sol est plus résistant, presque toujours ombragées par les arbres qui croisent leurs branches en forme de voûte, parsemées de roches aux formes étranges, présentent un aspect des plus pittoresques. Lorsque le sol a été durci par les vents secs du printemps et le soleil de l’été, ces chemins font une fraîche et charmante promenade. On traverse, les pieds sur une herbe fine et douce, des vallons toujours verts dans les plus grandes chaleurs de l’été, on s’élève par des pentes montueuses jusqu’aux points d’où l’œil plane sur les sommets des coteaux environnans, et dans un moment de plaisir