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LA
LITTERATURE NOUVELLE

DES CARACTERES DU NOUVEAU ROMAN.

I. Pierrot et Caïn, par M. Henri Rivière. — II. Contes fantastiques, par Erckmann-Chatrian.

Je ne voudrais pas me faire accuser de pessimisme, et laisser croire que je suis aveugle aux qualités qui recommandent l’époque actuelle. Elle n’est pas plus déshéritée que les époques antérieures, et si l’on comptait bien, on trouverait qu’elle présente, — en menue monnaie il est vrai, — une somme de talent égale à celle de ses devancières. L’imagination n’est pas éteinte, ni le don de sentir paralysé chez nos jeunes contemporains. Nous comprenons certainement plus de choses que n’en comprenaient nos pères, nous sentons plus finement peut-être qu’ils ne sentaient, et on peut dire hardiment qu’il y a plus d’idées en France aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu. Les nouvelles générations contemporaines sont peut-être les plus curieuses, les plus ardentes à pénétrer et à connaître, même les plus âpres au vrai, qui aient vécu, et leur curiosité ne court pas risque de s’égarer comme celle de leurs prédécesseurs, tant elle est bien munie d’instrumens précis et de méthodes certaines. La sympathie intellectuelle s’est singulièrement élargie, et il n’y a plus aujourd’hui d’idée qui ait à craindre la barbare inhospitalité des âges précédens. Le même individu qui autrefois logeait et nourrissait à grand-peine une ou deux idées au foyer de son esprit en possède aujourd’hui un nombre infini de toute forme et de tout genre : politiques,