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XVe siècle et le mérite des planches dont ils étaient ornés. On pourrait proposer d’autres exemples. À quoi bon cependant multiplier les citations et s’appesantir sur les détails ? Nous aurons assez fait si nous avons réussi à mettre en relief quelques traits principaux et à résumer quelque chose des caractères essentiels de l’art primitif. Craignons à notre tour de nous hasarder trop avant sur une pente ou d’autres ont glissé avant nous, et d’entrer, sans le vouloir, en complicité de zèle avec ces investigateurs sans merci dont nous parlions en commençant.

En cherchant d’ailleurs à constater l’ancienneté relative de la gravure sur bois dans l’école néerlandaise, nous avons entendu réserver la question purement archéologique et ne surprendre d’autres origines que les premiers indices du talent. On ne saurait dire que la gravure sur bois, en tant que moyen matériel, ait eu pour point de départ absolu le temps et le pays où travaillaient les élèves des van Eyck. Ce fut sous leur main qu’elle commença de faire ses preuves d’art véritable et de donner ses gages ; mais qui sait depuis combien d’années on la pratiquait en Europe et quelles phases elle avait traversées déjà, à quels usages elle avait été appliquée avant de recevoir cette autorité nouvelle et cette sorte de consécration ? Il faut le répéter, ne fût-ce que pour excuser sur ce point la sobriété de nos aperçus, les savans ont poussé leurs investigations si loin et dans des sens si contraires, on a cru retrouver dans les récits des voyageurs, dans les vieux monumens de la législation ou de l’histoire, tant de preuves à l’appui de chaque système, qu’il serait aussi difficile de récuser tous ces témoignages divers que d’en adopter résolument aucun. L’opinion qui semble avoir prévalu cependant est celle qui attribue aux fabricans de cartes à jouer, sinon la découverte, au moins la première application du procédé en Europe. Bon nombre d’écrivains sont d’accord quant au principe général ; mais qu’il s’agisse de déterminer l’époque des plus anciens essais et de nous dire où ils ont eu lieu, l’entente cesse. Les uns se prononcent en faveur du XIVe siècle et de l’Allemagne, d’autres plaident pour la France, où les cartes étaient connues à la fin du règne de Charles le Bel ; d’autres enfin s’arment d’un passage du Trattato del governo della famiglia, ouvrage écrit en 1299, pour revendiquer les droits de l’Italie et supposer par surcroît que les relations commerciales du Japon et de la Chine avec Venise auraient introduit dans cette ville avant toute autre l’usage des cartes et l’art de les fabriquer. Quant à M. Émeric David, intervenu l’un des derniers dans le débat, il prend les choses de plus haut encore, et commence par mettre hors de cause l’Allemagne et les Pays-Bas aussi bien que l’Italie et la France. Que l’on ait joué aux cartes d’abord ici ou là, que même tel, recueil xylographique appartienne aux premières ou aux