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au milieu desquelles se sont produites les belles œuvres que de nous faire sentir en quoi ces œuvres sont belles et de nous exhorter à les aimer.

L’archéologie peut être pour l’esthétique un auxiliaire utile, nécessaire même en plus d’un cas : elle l’aide à juger non pas des effets, mais des causes, à démêler non pas les mérites d’un travail ou la valeur absolue d’un progrès, mais les caractères relatifs de ce progrès, la signification historique de ce travail. Très propre à seconder la critique, à en provoquer, à en faciliter l’action par les témoignages authentiques qu’elle recueille et les secours matériels qu’elle lui fournit, elle n’a d’ailleurs ni le droit ni le pouvoir de la remplacer, et devient un paradoxe ou un non-sens lorsqu’elle prétend intervertir les rôles. Une ambition de cette espèce est pourtant assez commune aujourd’hui, et il en résulte une double méprise. L’archéologie, en prenant à tâche de se substituer à la critique, se persuade qu’elle suffit pour résoudre les questions dont il lui appartient seulement de préparer l’examen et de poser les termes ; le public de son côté, habitué peu à peu à cette usurpation, finit par l’accepter comme un fait presque légitime, et l’erreur lui coûte ici d’autant moins qu’il la commet le plus souvent sans songer à mal et sur ouï-dire. Peu de gens en effet ont le loisir ou le courage d’affronter directement les problèmes où se complaît la plume facilement loquace des antiquaires : peu d’entre nous songent à se hasarder fort avant dans ce champ de l’érudition pure, dans cette atmosphère qui peut sembler pesante lorsqu’on n’y est pas acclimaté de longue main. Nous voudrions essayer aujourd’hui de pénétrer là où se célèbrent ces mystères de la science, ces jeux austères, un peu pédantesques peut-être, de l’archéologie ; nous voudrions la suivre sur son propre terrain, contrôler les prétentions qu’elle affecte et au besoin juger ses jugemens. Les recherches sur les origines de la gravure nous serviront à cet égard d’épreuve aussi bien que de moyen d’introduction. Parmi les questions techniques, il n’en est guère de plus compliquée que celle-là ni de plus difficile en apparence à trancher sans le secours assidu de l’érudition. Aussi les savans n’ont-ils pas ménagé leurs efforts en ce sens et se sont-ils appliqués, souvent même au détriment du reste, à l’étude des documens historiques. Quelle certitude nous ont-ils donnée toutefois, quels, résultats ont-ils obtenus, qui rendent inutile l’intervention de la critique en quête, non plus des traditions écrites ou des timides essais du métier, mais des œuvres consacrées par la main d’un artiste ? De quel côté viendra la lumière complète ? De l’horizon nuageux où s’amoncellent déjà tant de théories, de thèses et de dissertations diverses, ou bien du point mal reconnu encore où brillent les premiers rayons du talent ? Il en va des commencemens de la gravure