mêmes qui changent de patrie et se transportent sous de nouveaux cieux conserveraient dans les milieux les plus divers leurs caractères premiers, et nulle part ne se manifesterait dans l’espèce humaine la moindre tendance à la formation de races nouvelles dérivant des races actuelles, comme on le voit chez les animaux. Ces assertions fussent-elles vraies, on pourrait répondre que l’action des causes conservatrices signalées plus haut et le petit nombre de générations sur lesquelles porte l’expérience suffisent pour expliquer la constance des races humaines ; mais elles sont inexactes, et ici encore les faits contredisent nettement les doctrines que nous combattons. Ne pouvant les citer tous ici, bornons-nous à constater les changemens subis par le nègre d’Afrique et le blanc d’Europe quand ils quittent leur terre natale.
Le premier, se propageant dans le nord des États-Unis, ne devient pas blanc, nous dit-on ; il tourne seulement au grisâtre. Or n’est-ce pas là un changement considérable, et, s’il s’agissait d’un cheval ou d’un bœuf, regarderait-on la couleur grisâtre comme équivalente de la teinte noire ? Non certes, et d’ailleurs les modifications ne s’arrêtent pas au teint ; là même où le nègre se propage avec le plus de facilité, il s’en manifeste qui ont une bien autre importance. « L’Africain, nous dit M. de Reiset, arrive aux Antilles avec tous ses caractères de nègre. L’enfant créole de nègre et de négresse purs reproduit ces caractères, mais atténués. La face en particulier perd le caractère de museau. Les cheveux et la couleur persistent ; mais sous tous les autres rapports le nègre créole se rapproche de plus en plus du blanc. » Les mêmes observations ont été recueillies dans les états du sud de l’Union américaine, là où la race se reproduit avec une facilité telle qu’il s’y est créé un élevage des nègres comme nous avons chez nous un élevage de moutons ou de bœufs. « M. Lyel a trouvé, après de nombreuses recherches faites auprès des médecins résidant dans les états à esclaves, et par le témoignage de tous ceux qui ont porté leur attention sur ce sujet, que, sans aucun mélange de races, la tête et le corps des nègres placés en contact intime avec les blancs se rapprochent de plus en plus à chaque génération de la configuration européenne[1]. »
Ce ne sont pas seulement les formes qui se modifient, c’est la constitution qui change dans ces mêmes contrées. Pruner-Bey, confirmant une observation déjà faite, mais contestée à diverses reprises, a reconnu qu’en Afrique le sang du nègre est à la fois plus foncé et plus épais que celui de l’Européen. M. le docteur Visinié, qui a exercé la médecine en Louisiane pendant un grand nombre d’années, a constaté qu’ici le sang du nègre est au contraire remarquablement
- ↑ Docteur Hall, introduction à l’ouvrage de Pickering intitulé the Races of man.