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aux races étrangères de durer, et parfois de prospérer. Ceux-là mêmes, disons-nous, n’en exercent pas moins sur l’homme une action en tout comparable à celle que nous avons vue modifier les animaux.

C’est là une vérité que repoussent en général les polygénistes. Pour eux, les différences qui séparent les groupes humains sont essentiellement primitives, et à ce compte elles doivent être aussi stables que les caractères qui distinguent entre elles les espèces animales. Or les faits, chaque jour plus nombreux, démontrent de la manière la plus nette tout ce qu’ont d’inexact les assertions tant de fois répétées sur l’immutabilité des divers types humains. Cette immutabilité n’existe que là où le milieu lui-même est immuable. MM. Nott et Gliddon ont consacré un long chapitre et beaucoup d’érudition à démontrer que la race égyptienne était restée la même pendant la longue suite de siècles qui remonte jusqu’aux premières dynasties. Nous leur aurions prédit d’avance ce résultat. La vallée du Nil impose à ses habitans des conditions d’existence particulières ; il n’y a rien d’étrange à ce qu’elle ait produit un type spécial, au moins à certains égards[1]. Ce type une fois formé, comment, pourquoi eût-il changé ? Nous trouvons aujourd’hui ces fils des anciens Égyptiens vivant exactement comme le faisaient leurs ancêtres, conservant les mêmes mœurs, jusqu’aux mêmes outils, aux mêmes ustensiles, sur les bords du même fleuve qui arrose régulièrement la même terre et sous le même ciel. Ce n’est donc pas la constance des caractères qui peut nous surprendre ici. Ce qui serait inexplicable, c’est que ces caractères eussent changé, car depuis les temps des Manéfru et des Spetkemka[2], toutes les influences de milieu n’ont tendu qu’à fixer, à consolider de plus en plus la race humaine qu’elles avaient créée. Dans des conditions semblables, la race animale la plus instable n’eût pas varié.

Ce que nous disons des Égyptiens s’applique évidemment à toutes les populations sédentaires et stationnaires. Ainsi s’expliquent par un peu de réflexion et par l’application des lois que nous défendons ici la plupart des exemples de fixité du type que citent différens auteurs. Toutefois, parmi les faits invoqués par les polygénistes, il en est d’une catégorie très différente. À les en croire, les populations

  1. Ce type est toutefois bien moins arrêté et bien moins, général que ne l’admettent les auteurs des Types du genre humain. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les figures mêmes empruntées aux peintures et aux bas-reliefs égyptiens reproduits dans cet ouvrage. En Égypte comme partout, c’est au milieu d’une diversité très réelle qu’il faut chercher le type de la race, et on ne trouve celui-ci réalise complètement que dans un nombre proportionnellement petit d’individus.
  2. Souverains de la quatrième ou de la cinquième dynastie cités par MM. Nott et Gliddon.