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figure des femmes blondes se couvre de taches de rousseur au moindre coup de soleil[1] ? Pruner-Bey, qui a vu les frères d’Abbadie, M. Schimper, M. Baroni, passer en Égypte à leur allée et à leur retour d’Abyssinie ou d’Arabie, a pu constater sur ceux de ces voyageurs qui appartenaient aux races blondes des changement très marqués et durables. Lui-même a vu son teint se bronzer, ses cheveux se foncer et devenir bouclés, de clairs et lisses qu’ils étaient primitivement, à la suite d’un séjour de trois mois seulement à Tchama en Arabie[2]. En revanche, le nègre transporté en Europe voit sa teinte caractéristique s’éclaircir, en commençant toujours par les parties les plus saillantes, telles que les oreilles et le nez. Ces changemens peuvent aller jusqu’à donner à un individu toutes les apparences d’une race fort différente de la sienne. Jérôme de Aguilar, l’interprète de Cortez, après huit années d’esclavage chez les Yukatèques, ne pouvait plus être distingué des indigènes, dont il avait adopté les mœurs et le costume ; Langsdorf a trouvé à Noukahiva un matelot anglais que plusieurs années de séjour dans cette île avaient rendu entièrement semblable aux Polynésiens… Après ce que nous avons dit sur la formation des races animales, qui peut douter que de pareilles influences s’exerçant sans obstacle sur une suite de générations n’aboutissent à la modification profonde du type qui aurait servi de point de départ et à la formation d’une race nouvelle en harmonie avec un milieu capable d’agir avec tant d’énergie sur un organisme déjà formé ?

Au reste, bien que se défendant du mieux qu’il peut, l’homme n’en paie pas moins au milieu le tribut inévitable. La difficulté qu’ont les Européens à se faire au climat de l’Afrique, ou les nègres à celui de l’Europe, l’effrayante mortalité qui, dans les deux cas, frappe les étrangers, en sont une preuve trop convaincante pour qu’il soit nécessaire d’insister sur ce point, A vouloir entrer dans des considérations de cet ordre, nous rencontrerions d’ailleurs, dès les premiers pas, la question de l’acclimatation, question trop grave pour ne la traiter qu’en passant, et qui se trouve, à certains égards, en dehors de nos études actuelles. Laissons donc de côté ces milieux extrêmes, et par cela même meurtriers. Tenons-nous-en à ceux qui, plus rapprochés de la moyenne, se prêtent mieux à des expériences prolongées, en permettant presque d’emblée

  1. Aujourd’hui que les recherches de M. Simon et d’autres micrographes nous ont appris ce que sont ces taches, aujourd’hui que nous savons que leur apparition subite tient à la coloration par petites plaques circonscrites du pigment auquel le nègre doit sa couleur, ce fait a une importance qui n’échappera à aucun de nos lecteurs.
  2. Tous ces détails, sont extraits d’une note que le docteur Pruner a bien voulu rédiger pour moi et que je regrette vivement de ne pouvoir reproduire ici en entier. Les observations relatives au changement de couleur du nègre signalées déjà par quelques écrivains m’ont été confirmées par cet observateur.