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L’ensemble des taxes prélevées par le clergé grec dépassé le chiffre des impôts réguliers que perçoit l’administration ottomane. Il faut ajouter à ces extorsions ecclésiastiques celles que les évêques commettent uniquement en vertu du droit du plus fort, comme les fonctionnaires et les beys musulmans. — Après de pareils faits, on comprend les reproches adressés au haut clergé grec dans une brochure bulgare récemment publiée à Constantinople, et dont je citerai quelques passages : « Notre sainte religion, dit cette brochure, est foulée aux pieds par le patriarche phanariote et tous ses adhérens, évêques phanariotes. Non-seulement notre population ne rencontre en eux aucune sollicitude pastorale pour ses besoins spirituels, mais elle endure toutes les oppressions possibles… Ils ont transformé là mission épiscopale en spahilich et en fief. Considérant les évêchés comme des fiefs, le patriarche et le synode ont soin d’élire pour évêques ceux qui leur donnent le plus d’argent. Ceux-ci, ayant payé cher leur dignité, se remboursent sur leurs prêtres, et les prêtres sur leurs paroissiens… Pour de l’argent, ils donnent le sacerdoce aux indignes ; pour de l’argent, ils annulent les mariages légitimes et confirment les illégitimes ; pour de l’argent, ils condamnent et punissent les prêtres innocens et absolvent les coupables… Acheteurs et vendeurs des choses sacrées, ils n’ont aucun soin de leurs brebis spirituelles et les tondent jusqu’à la peau… Ils sont ignorans et grossiers ; ils s’adonnent aux plus scandaleux déréglemens. Un évêque grec n’est jamais puni par le patriarcat malgré toutes les plaintes fondées que son troupeau peut porter contre lui ; tout au plus le remplace-t-on par un autre semblable à lui, et on l’envoie dans un autre diocèse, souvent plus grand et plus avantageux. Si deux diocèses se plaignent à la fois de leurs évêques et que le patriarche sente qu’il ne peut plus les maintenir, il se contente de les remplacer l’un par l’autre, sans leur infliger la moindre punition. »

C’est avec une sincère douleur que je recueille tous ces faits désolans dans les renseignemens qui me sont adressés, et auxquels je suis bien forcé d’ajouter foi quand ils sont confirmés par l’enquête du grand-vizir et par le témoignage des consuls anglais. Ceux qui croient comme moi que l’avenir de l’Orient est dans les populations chrétiennes ne doivent pas hésiter à signaler hautement les maux de ces populations, quand même ces maux seraient dans leur sein. Nous censurons vivement l’administration turque, nous montrons la corruption morale qui la détruit ; pourquoi ne pas signaler les chefs de l’église byzantine qui se font turcs par leur rapacité et leur dureté ? Ce ne sont pas les Grecs que nous attaquons, mais des Grecs devenus turcs ; les Grecs ici encore sont les opprimés. Ne croyez