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pousser des cris d’indignation par tous les partisans des chrétiens. Il y a seulement quelques jours, l’évêque de Vodena, ayant besoin d’argent, envoya dans un hameau de quarante familles de son diocèse lever une taxe de 1,000 piastres (200 francs). Ajoutez que les taxes régulières sont levées à l’aide des mesures les plus rigoureuses, afin de faire payer aux fidèles plus qu’il n’est dû, et les percepteurs s’approprient le surplus[1]. » le consul anglais de Smyrne ne rend pas un meilleur témoignage de la conduite des autorités ecclésiastiques dans son ressort. « Généralement parlant, dit-il, les populations chrétiennes ont bien plus de motifs de se plaindre des vexations qui viennent de leur propre clergé et de leurs primats que des Turcs. Les chrétiens ne sont pas aussi nombreux dans l’Asie-Mineure qu’en Roumélie. C’est là que le mal est plus général et pèse plus lourdement sur les chrétiens[2]. » Mêmes sentimens dans le consul d’Albanie : « C’est un grand sujet de mécontentement parmi les chrétiens que les exactions et la tyrannie subalternes de leurs évêques et de leurs prêtres, qui exercent sur eux une autorité illimitée reconnue par la Porte. Ici tout aussi bien que partout ailleurs en Turquie, toute sorte d’injustices, de malversations et de concussions sont hautement imputées par les chrétiens à leur clergé. Les prêtres des rangs inférieurs, qui sont misérablement pauvres, sont obligés pour vivre de travailler des mains, de bêcher et de labourer comme les autres paysans. Ils sont grossièrement ignorons. Les ecclésiastiques des rangs supérieurs jouissent au contraire d’immenses richesses, et se livrent à toute sorte d’intrigués pour augmenter leur fortune ou leur pouvoir. L’enquête que doit faire le grand-vizir dans sa visite contiendra sans doute de nombreuses plaintes contre les évêques et les prêtres grecs, qui s’occupent en ce moment de prendre tous les moyens possibles pour apaiser leurs ouailles irritées et pour éviter les dangers que les réclamations pourraient leur causer[3]. »

Le grand-vizir, dont le consul anglais attendait l’enquête dès le mois de juillet dernier, a fait sa visite, et n’a pas manqué de recevoir les plaintes des chrétiens contre leurs évêques ; il en parle dans son rapport du 6 novembre 1860 adressé au sultan. « Parmi les abus que j’ai constatés, je crois de mon devoir d’en signaler un qui demande aussi une répression prompte et efficace : je veux parler de la conduite peu édifiante de quelques membres du haut clergé grec en Roumélie. Tout en rendant justice à la respectabilité de la plupart des membres qui composent ce corps, je ne puis m’empêcher d’avancer qu’il y en à qui, méconnaissant la nature de leur

  1. Dépêche du consul de Salonique du 20 juillet 1860.
  2. Dépêche de M. Blount, consul d’Angleterre à Smyrne, 28 juillet 860.
  3. Dépêche de M. Cathcart, consul de Prevesa, 20 juillet 1860.