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la civilisation, est-il sincère ? Croit-il ce qu’il dit et ce qu’il fait dire ? Les rapports qu’il reçoit de Constantinople et des consuls anglais placés sur les divers points de l’empire ottoman lui font-ils penser que tout va pour le mieux en Turquie ? Est-ce le ministre qui est trompé par ses agens, ou bien est-ce le ministre qui veut tromper l’Europe ? Parle-t-il d’après ce qu’il sait, ou malgré ce qu’il sait ? L’enquête que nous avons sous les yeux répond à ces diverses questions.

Et qu’on ne vienne pas nous dire que nous semblons en ce moment attacher trop d’importance à la question de savoir si lord Palmerston est de bonne foi ou non dans ses opinions sur la Turquie, que c’est là un point à débattre entre le bon Dieu et le noble lord, que cela ne nous regarde pas, et que le public est habitué, à tort ou à raison, à mettre toutes les bonnes fois de tous les diplomates dans le même sac, sans se soucier beaucoup de distinguer entre le plus ou le moins. Nous avons une raison toute particulière pour attacher quelque importance à savoir quel est le degré de bonne foi de lord Palmerston dans la question turque. Si lord Palmerston se trompe de bonne foi sur l’Orient, si ses agens ne l’informent pas bien, tout cela peut être réparé. Les agens peuvent être amenés à dire le vrai au lieu de dire l’agréable, à servir plutôt qu’à plaire, et cela n’est jamais difficile à obtenir des fonctionnaires anglais, qui, citoyens d’un pays ou chacun tient grand compte de son moi et de sa responsabilité, ont beaucoup d’initiative et n’ont pas l’habitude ou le goût de la consigne. Si au contraire les agens de l’Angleterre disent vrai au ministre sur l’Orient et si c’est le ministre qui, de parti-pris, continue de dire faux à l’Angleterre et à l’Europe, j’en conclus que lord Palmerston a sur l’Orient une politique obstinée et stationnaire que rien ne fera changer. Il y a des pays où cette erreur préméditée d’un seul homme aurait toute sorte d’inconvéniens ; elle en a de grands en Angleterre, mais elle en a moins qu’ailleurs. Si on ne peut pas convertir le ministre, il faut tâcher de convertir le pays. Le pays aime la vérité, il sait l’entendre. Il est donc bon de lui faire connaître les rapports des agens anglais sur l’Orient ; il est bon de le mettre dans la confidence du foreiffn office. La vérité qui ne sert point au foreign office servira au pays.

Voyons donc l’enquête instituée par sir Henri Bulwer à Constantinople, voyons les rapports des divers consuls anglais ; cherchons quelle est la conclusion naturelle et équitable de ce grand travail d’informations. Je prends d’abord la liste des questions adressées par sir Henri Bulwer aux consuls anglais. Ces questions sont comme le programme de l’enquête anglaise ; elles embrassent tout ce qui concerne l’état de la société et du gouvernement en Turquie.


« 1. Quel est l’état général de la province sur laquelle s’étend votre juridiction ?