de la Russie, de l’Autriche et de la Prusse ; nous n’avons sous les yeux que les rapports envoyés par les consuls anglais à sir Henri Bulwer, ambassadeur d’Angleterre à Constantinople, et en double à lord John Russell, ministre des affaires étrangères à Londres. Ces rapports ne sont pas destinés à la publicité, ni même au parlement. Nous voyons sur l’exemplaire que nous avons qu’ils sont confidentiels, et qu’ils sont imprimés pour l’usage du département des affaires étrangères (printed for the use of the foreign office). Nous avons pensé, en lisant ces curieux rapports, qu’il serait bon qu’ils fussent aussi imprimés, en partie du moins, pour l’usage de l’opinion publique, et c’est ce qui nous engage à en faire une analyse exacte.
Parmi les motifs qui nous décident à tenir grand compte de cette enquête faite sur la Turquie par la diplomatie anglaise, il en est un surtout qui a une grande importance à nos yeux. Il n’y a pas encore longtemps que lord Palmerston déclarait en plein parlement que la Turquie était de tous les gouvernemens européens celui qui avait fait les progrès les plus rapides et les plus décisifs dans la carrière de la civilisation. Nous nous souvenons aussi qu’au mois de juillet dernier nous avons reçu un numéro du New-Quarterly Review avec un mot qui appelait notre attention sur un article communiqué, nous disait-on, et qui contenait un parallèle entre le gouvernement turc et le gouvernement russe. L’idée principale de cet article était qu’en Turquie tout allait bien mieux qu’en Russie, qu’il y avait plus de justice, plus de liberté, plus de prospérité, plus d’égalité : c’était l’âge d’or ; en Russie, c’était l’âge de fer. Dans cet article, lord John Russell était vivement réprimandé pour avoir osé dire en parlement que l’administration turque n’était peut-être pas meilleure que l’administration napolitaine. « Faire une comparaison si injurieuse pour un ancien allié ! s’écriait le New-Quarterly Review, nous n’aurions jamais pensé qu’un ministre anglais pût parler ainsi. » Tout l’article est une apothéose de la Turquie et une violente satire contre la Russie. Que cet article fût officiel ou semi-officiel, peu nous importe : il confirmait tout au moins la déclaration que faisait lord Palmerston quand il admirait les progrès qu’avait faits la Turquie, c’était un mot d’ordre donné à l’opinion publique en Angleterre. On souhaitait que l’Angleterre crût à l’amélioration de la Turquie, et par conséquent à la possibilité et même à l’utilité de sa conservation. Le gouvernement turc ne devait plus être considéré comme un mourant et comme un malade, mais comme un bel et bon convalescent, dont la santé valait mille fois mieux que celle de beaucoup de gens qui se vantaient de la leur. Or voici la- seule question que je me faisais, je m’en souviens, en lisant l’article du New-Quarterly Review : quand lord Palmerston parle et fait parler ainsi sur la Turquie et sur ses merveilleux progrès dans les voies de