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toutes les formalités gênantes, envoyer une dépêche aussi facilement qu’une lettre, pour diminuer les frais généraux qu’entraînent l’exploitation des lignes télégraphiques et celle des lignes postales, rien ne paraît aussi désirable qu’une fusion de ces deux administrations. La centralisation est ici hors de cause, puisque ces deux services relèvent dès aujourd’hui de l’état ; il ne s’agit que d’une simplification dont le public sera appelé à profiter. L’administration télégraphique fait partie du ministère de l’intérieur, et ce choix indique suffisamment sous l’influence de quelles préoccupations s’est développé notre réseau ; mais la place véritable de cette direction est au ministère des finances. les dernières années ont vu trop de remaniemens administratifs pour qu’on puisse reculer devant une simple transposition, dont l’utilité est évidente et supérieure, de simples intérêts de personnes.

Réforme administrative, progrès techniques, voilà donc les deux termes de la question des tarifs télégraphiques. C’est en les résolvant qu’on réalisera sur ce point le bon marché, devenu une des exigences les plus impérieuses de notre temps. Lorsque ’d’un bout à l’autre du pays chacun pourra, pour une somme des plus modiques, correspondre sans difficulté sur tous les sujets, calmer des inquiétudes, satisfaire des impatiences, asservir le temps et l’espace au profit des désirs les plus frivoles comme des intérêts les plus graves, je désirerais pourtant qu’il ne fût point oublié que ce progrès nouveau de la civilisation, cette complaisante action des forces naturelles, ne sont pas uniquement dus au génie mécanique des inventeurs qui ont perfectionné de mille manières les appareils télégraphiques. Le sujet sur lequel s’est exercé leur esprit ingénieux a été fourni par un de ces savans qui, dans les routes obscures de l’analyse, cherchent à marcher vers des vérités nouvelles, sans songer aux applaudissemens du public ou aux profits qu’ils pourraient retirer de leurs découvertes. C’est Ampère qui restera toujours le véritable inventeur de la télégraphie, parce que, sans lui, elle était impossible. Que les gouvernemens fassent des dons magnifiques à M. Morse, que son nom soit dans toutes les bouches, rien de mieux ; il importe cependant de ne pas perdre le culte de la pensée pure, de savoir apprécier la distance qui existe entre un Newton qui découvre le mécanisme des mondes et les fabricant d’instrumens astronomiques les plus ingénieux, entre un d’Alembert qui trouve les lois du mouvement et cette multitude d’inventeurs qui les appliquent, ce qui sépare enfin le génie qui crée et, qui commande de l’esprit qui combine et qui obéit.



AUGUSTE LAUGEL.