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et n’a pas autrement à s’en occuper. C’est là, il faut l’avouer, l’idéal qu’il faut poursuivre en matière télégraphique ; c’est le vrai moyen d’introduire dans les mœurs un moyen de correspondance qui n’est aujourd’hui que le privilège chèrement acheté d’un très petit nombre. Pour la ville de Paris, M. Marqfoy propose de créer trois boîtes de dépêches par arrondissement, d’établir un service de courriers attaché à ces boîtes, et en outre un nouveau service de piétons chargés de porter les dépêches à domicile. Il faut avouer que sous tous les rapports le service actuel offre de singulières anomalies : eh quoi ! les facteurs de la poste aux lettres parcourent Paris dans des omnibus rapides, et les malheureux porteurs de l’administration télégraphique, chargés des messages les plus pressés, ne vont jamais qu’à pied !

Cette comparaison entre les services des postes et des télégraphes m’amène naturellement à parler d’une réforme que personne n’a encore suggérée en France, bien qu’elle doive sembler très naturelle et soit appliquée dans plusieurs pays : je veux parler de la fusion de ces deux administrations. Entre une dépêche et une lettre, il n’y a que la différence.de la vitesse et du moyen de transmission ; mais combien de rapports indiqués d’avance ! L’une précède l’autre, y répond, en confirme les indications, les provoque, les rectifie. Rassembler les bureaux des deux administrations, c’est rendre un grand service aux expéditeurs ; c’est aussi faciliter le travail et diminuer les frais généraux de ces administrations elles-mêmes. Dans les grandes villes, les bureaux seraient adjacens et pourraient communiquer entre eux, tout en ayant un personnel entièrement distinct. Les appareils télégraphiques ont d’ailleurs besoin d’y être sans cesse contrôlés par des agens dont les connaissances techniques doivent être étendues ; mais dans les petites villes de province, où le service des postes est si peu absorbant, il n’y aurait la plupart du temps aucun inconvénient à confier le service télégraphique à l’employé qui tient le bureau postal. Tout le monde, avec un peu d’habitude, peut envoyer et recevoir une dépêche ; les femmes apprendraient ce service mieux que les hommes, parce que leurs mains sont plus délicates et plus agiles. Et d’ailleurs l’adoption d’un appareil imprimant finira sans doute par rendre cette habileté même inutile. La télégraphie ne fera de vrais progrès qu’en se mettant dans une connexion intime avec les postes, car il est impossible d’établir partout, dans les moindres villages, des relais télégraphiques. On ne peut donc, dans ces localités innombrables, songer à la télégraphie qu’autant qu’une dépêche peut d’abord être envoyée comme simple lettre à la station télégraphique la plus voisine, puis de là à destination. L’administration des postes est seule en mesure de pénétrer