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à deux rangs, comme les claviers d’orgues, et on joue la dépêche comme on jouerait de la musique. Chaque touche correspond à une lettre qui, après le contact, s’imprime elle-même sur une bande de papier se déroulant sans cesse au-dessous d’une petite roue qui porte les lettres sur sa circonférence. Cet instrument fonctionne sur certaines lignes américaines, et j’ai plusieurs fois vu des dépêches imprimées venant du Nouveau-Monde ; mais il reste à savoir comment le synchronisme des deux appareils placés au bout d’une longue ligne peut se conserver, ou de quelle façon on peut régler convenablement les appareils, afin que, la résistance des fils au courant demeurant constante, les lettres se succèdent dans le récepteur de la même façon que dans le manipulateur. On conçoit bien en effet qu’une communication instantanée des deux bouts de la ligne n’est pas nécessaire, et qu’il faut seulement que l’électricité mette toujours le même temps à la parcourir pendant qu’on est en communication. Si j’écris a, b, c, d, e sur le manipulateur, le récepteur peut ne recevoir a qu’au moment où je touche b ; mais alors il faut qu’il ne reçoive b que lorsque je touche c, c quand je touche d, et ainsi de suite. C’est cette régularité qu’il est difficile d’obtenir, et qui obligera toujours d’avoir des instrumens qui permettent aux correspondans de communiquer directement entre eux pour s’entendre et se parler. L’avantage de l’appareil Hughes est de reproduire directement une lettre à l’aide d’une seule émission de courant ; il semble ainsi devoir permettre, toutes choses égales d’ailleurs, une rapidité de travail trois fois plus grande que l’appareil de Morse. Il y a donc lieu d’espérer qu’on pourra donner à cet appareil des dispositions mécaniques assez simples pour le mettre entre toutes les mains et l’employer dans un service régulier.

Le fait qui domine tous les autres dans cette question si grave de l’accélération du service télégraphique, intimement liée à l’abaissement des tarifs, est le degré de puissance des fils eux-mêmes. M. Lemoyne, dont j’ai déjà cité un travail inséré dans les Annales, déclare que l’isolement des lignes permet rarement de dépasser une vitesse de dix-huit mots par minute. Acceptons ce chiffre comme une base : seulement nous savons qu’il s’applique au système Morse ; avec un système imprimeur assez simplifie pour devenir d’un usage habituel, la vitesse normale se trouverait triplée, et l’on pourrait transmettre cinquante-quatre mots à la minute. Un pareil résultat serait une révolution dans l’art télégraphique. M. Marqfoy, dans le système qu’il préconise, n’admet qu’une vitesse de vingt-cinq mots à la minute. Sur cette base, il fonde tout un plan de réforme qui mérite d’être exposé. Si son appareil a peu de chances d’être adopté, ses idées administratives ont de quoi séduire par la hardiesse et la simplicité. M. Marqfoy propose d’appliquer le tarif suivant sur