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que sur les lignes où le travail est très considérable ; mais elle ne saurait guère être dépassée, car sur ces grandes lignes le temps des employés est aujourd’hui absorbé d’une manière complète. Pour l’ensemble de la France, M. Marqfoy calcule que chaque ligne à un fil, comprenant deux appareils, un à chaque extrémité, n’a transmis en moyenne, pendant l’année 1857, que 10 dépêches par jour. Ce chiffre révèle une paresse télégraphique avec laquelle l’activité des grandes lignes aboutissant à Paris fait seule contraste.

Pour multiplier et accélérer les communications en même temps que pour éviter les chances d’erreurs et les fâcheux retards qui en résultent, plusieurs ingénieurs ont imaginé de substituer un appareil automoteur à la main de l’employé. Le Traité de télégraphie de M. Blavier renferme la description d’un grand nombre de ces mécanismes : appareils écrivans, appareils électro-chimiques, appareils imprimeurs. Dans les premiers, les signes particuliers d’un alphabet conventionnel, ou même l’écriture ordinaire, se reproduisent à distance ; mais ces ingénieux mécanismes, qui au premier abord, comme le fait remarquer M. Blavier, « paraissent séduisans et donnent même d’assez bons résultats lorsque les expériences sont faites dans des circonstances favorables, ne pourraient résister à une épreuve tentée en grand, parce qu’ils ne présentent pas toutes les conditions de simplicité indispensables pour des instrumens destinés à être mis dans les mains d’un grand nombre d’employés. » Cette remarque s’applique également à la plupart des appareils imprimeurs et électro-chimiques. Quelques-uns cependant méritent d’être connus et discutés. En 1850, un Américain, M. Bain, présenta un système complet de télégraphie fondé sur la propriété qu’a le prussiate de potasse en contact avec du fer de se colorer en bleu de prusse au passage d’un courant électrique. Les dépêches étaient composées d’avance sur une bande de papier à l’emporte-pièce, transmises mécaniquement, et reçues au moyen d’un stylet de fer cheminant sur du papier imbibé de cyanure de potassium, laissant une trace bleu foncé à chaque passage du courant ; les signaux ainsi reproduits n’étaient autres que ceux mêmes de Morse. Dans les expériences de cabinet, ce système donna des résultats prodigieux : on reproduisit plus de six cents mots très lisibles par minute ; mais sur les grandes lignes les signaux devinrent inintelligibles, et se confondirent ; on fit des essais entre Paris et Tours, et il fut impossible d’obtenir une vitesse supérieure à celle des moyens ordinaires ! En réalité, l’isolement actuel de nos lignes ne permet que rarement de dépasser la limite de dix-huit mots par minute ; toutes les ingénieuses combinaisons destinées à multiplier la vitesse perdent à peu près toute leur valeur au-delà de ce chiffre.

M. Marqfoy échoua devant les mêmes difficultés ; il imagina de