Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/908

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indistincts. Outre cette cause normale, qui tend à restreindre la vitesse du fluide en mouvement, des causes perturbatrices d’une nature très variable agissent sur l’intensité des courans. Les fils conducteurs ne sont jamais parfaitement isolés : les pertes par l’air sont considérables, surtout lorsque le temps est humide, car l’air saturé de vapeur d’eau est meilleur conducteur de l’électricité que l’air sec. Les supports en porcelaine ou en verre n’isolent de même qu’incomplètement les fils, et il en résulte qu’une partie du fluide se perd dans la terre, et que l’intensité du courant va sans cesse en diminuant depuis l’extrémité qui communique avec la pile jusqu’à l’autre bout. Les fils différens d’une même ligne, pareils aux traits parallèles d’un papier de musique, exercent aussi les uns sur les autres une influence souvent fâcheuse. Il est de règle aujourd’hui de leur donner 50 centimètres d’espacement sur les poteaux, ce qui, joint à l’élévation minima de 3m50 du fil inférieur au-dessus du sol (nécessaire pour le passage des voitures), limite à cinq environ le nombre de fils qu’il n’est pas convenable de dépasser sur une même ligne. « Quand les poteaux sont très, humides, dit M. Blavier, et que les corps étrangers, toiles d’alignée, débris organiques, etc., ne sont pas enlevés avec soin, il s’établit entre les fils voisins une faible communication qui constitue ce que l’on nomme un mélange. Une partie du courant passe d’un fil sur l’autre. » Le mal est pire encore lorsqu’un isolateur en porcelaine se brise, et que le fil détaché tombe sur ceux qui l’avoisinent, quand un fil traîne sur le sol ou contre un mur humide, et communique directement avec la terre. À toutes ces causes accidentelles de dérangement, il faut ajouter ce que l’on nomme les courans naturels produits par l’électricité atmosphérique, par le magnétisme terrestre, et par les actions électro-chimiques qui s’opèrent au contact des corps plongés dans le sol de façon à faire aboutir les courans à la terre[1].

Il faut donc considérer une ligne télégraphique comme un appareil soumis à toute sorte de perturbations, et par conséquent d’une instabilité extrême. Plus la distance des points en correspondance est grande, plus les chances de perte, de variabilité, d’incertitude, se multiplient. La sensibilité des appareils employés dans les stations doit être en rapport avec ces conditions si complexes, et permettre de surmonter les difficultés qu’elles font naître. L’appareil qu’on emploie aujourd’hui est dû à l’Américain Morse, dont le système

  1. Pour obtenir un courant électrique, il faut que le fluide traverse ce que l’on nomme un circuit fermé, c’est-à-dire qu’il traverse un conducteur partant d’un pôle de la pile et aboutissant à l’autre pôle. On obtient le même effet sans, faire revenir le fil à la pile, en en plongeant l’extrémité" dans la terre, pourvu que la pile elle-même soit en communication avec le sol, à l’aide d’un fil conducteur, par le pôle opposé à celui d’où part le courant.