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avait cru déployer une habileté consommée en réduisant sensiblement le chiffre précédemment réclamé par la cour. Aussi l’intention de la noblesse et du tiers de faire précéder le vote demandé par les commissaires royaux de l’examen de la situation financière lui apparut-elle comme un acte d’ingratitude et de rébellion tout ensemble. Dès le lendemain du jour où fut prise cette résolution, à laquelle le clergé, toujours timide devant le pouvoir, refusa seul de s’associer, le commandant faisait enlever de la salle des états quatre gentilshommes qui avaient ouvert et appuyé l’avis auquel s’était rallié leur ordre tout entier, et ce coup de force ayant provoqué une exaspération facile à comprendre parmi les cinq cents membres présens, il avait, au bout de quatre jours, dispersé l’assemblée, fermé le lieu de ses séances, déclaré close la session des états, en menaçant ceux-ci de toute la colère du roi. Une députation se rendit en cour pour exposer au régent le véritable état des choses et lui porter les assurances d’une inaltérable fidélité. Pendant ce temps, le maréchal exposait à sa manière ce qu’il appelait « l’insolence séditieuse d’une province qu’il fallait désabuser de la chimère de son indépendance. »

Cependant le parlement de Bretagne, aux membres duquel le maréchal avait aussi distribué, afin d’y paralyser la résistance, un certain nombre de lettres de cachet mises à sa discrétion par M. de La Vrillière, s’empara, sitôt après la dissolution des états, du rôle politique qui venait s’offrir à lui sans qu’il l’eût jusqu’alors cherché. Il suspendit par arrêt la perception de tous les impôts dans la province, et adressa au roi d’éloquentes remontrances dont je me borne à citer le début : « Votre parlement de Bretagne est trop attaché à votre majesté pour manquer à lui faire ses très humbles remontrances sur les conséquences des lettres patentes données à l’occasion de la séparation des états convoqués en votre ville de Dinan. Cet événement, dont le temps passé ne fournit pas d’exemple, change la forme du gouvernement de cette province et donne atteinte au traité d’union : de la Bretagne avec votre couronne. C’est ce titre, sire, qui nous unit à la France, et s’il n’est pas permis de prévoir les dangereuses conséquences qu’il y aurait d’y toucher, il est toujours sage de les prévenir. Votre parlement supplie humblement votre majesté de considérer que l’assemblée des trois états est la loi fondamentale de cette province, qu’il ne s’y doit lever aucun droit sans leur consentement, qu’une sage liberté de représenter les contraventions au traité d’union a toujours été permise dans chaque tenue d’états. Nous nous flattons donc qu’elle regardera avec sa bonté ordinaire une province soumise à ses ordres par sa seule inclination, sans que les raisons du sang ni la force des armes y aient eu aucune part. En faveur de sa fidélité inébranlable, nous vous supplions,