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LA
NATIONALITE BRETONNE
DE 1532 A 1789

Après avoir étudié la Bretagne dans le long cours de sa vie nationale[1], il reste à la montrer conservant au sein de la grande unité française ses lois, ses libertés et ses mœurs, comme ces fleuves au lit profond qui, perdus dans l’Océan, y gardent longtemps encore la couleur et la transparence de leurs eaux. Quelles luttes constitutionnelles n’eut-elle pas à soutenir, malgré l’évidence de ses titres, et à quelles extrémités ne dut pas conduire durant trois siècles l’antagonisme permanent de la liberté provinciale contre l’arbitraire ministériel, devenu le principe même de l’institution monarchique ! Se figure-t-on bien en effet des rois tels que François Ier, Henri IV, Louis XIV, des ministres tels que le chancelier Duprat, le cardinal de Richelieu, Colbert, Choiseul et d’Aiguillon, obligés de s’arrêter devant les articles d’un contrat bilatéral, de subordonner leurs plus vastes combinaisons à des votes incertains ou à des résistances locales ? Pressent-on bien ce que dut être, de 1532 à 1789, pour le pouvoir absolu, cette administration des états de Bretagne, à laquelle une loyauté constante envers la couronne n’ôtait jamais complètement aux yeux du pouvoir les allures de la faction, parce qu’elle contrariait le cours du grand mouvement centralisateur ?

La plupart des gouverneurs envoyés en Bretagne depuis la réunion

  1. Voyez, sur les temps qui ont précédé la réunion, les études sur Pierre Landais, dont celle-ci forme le complément, dans la Revue du 15 novembre et du 1er décembre 1860.