Nous croyons devoir écarter de la discussion, comme nous avons omis dans la citation, les passages du rapport de M. Troplong qui s’appliquent à la personne de l’empereur et à l’origine de son pouvoir. Les argumens fondés sur les qualités personnelles ne sont pas de mise dans la discussion d’une théorie constitutionnelle. M. Troplong est un jurisconsulte trop éminent pour ne pas savoir mieux que nous que les institutions, pas plus que les lois, ne sont des actes de confiance dans les hommes, qu’elles sont faites plutôt en défiance de leurs défauts et de leurs vices. L’empereur en rédigeant la constitution et en travaillant à l’améliorer, le sénat, le corps législatif, l’opinion publique, en s’efforçant d’interpréter la constitution, de la comprendre, d’en fixer le sens et d’en régler la pratique, doivent s’élever au-dessus des considérations personnelles et accidentelles du présent, car il s’agit apparemment de faire un ouvrage qui s’applique à toutes les personnes et à toutes les situations, et qui s’adapte au génie et à la civilisation d’un peuple. Ramenée à ses termes abstraits, que nous offre donc la constitution actuelle ? Au-dessus de tout, le peuple souverain, puis le pouvoir délégué par ce peuple souverain à un prince et à sa famille sous la réserve de la responsabilité du prince ; enfin la représentation du peuple ayant une triple expression, le chef de l’état, le sénat nommé par l’empereur, le corps législatif élu par le peuple. Nous n’entrons point dans le détail des attributions des divers pouvoirs ou corps représentatifs : nous prenons ces élémens avec le caractère qu’ils tiennent de leur origine. Ou nous renierons notre intelligence, ou nous croirons qu’un peuple qui a délégué le pouvoir exécutif, et qui entretient et renouvelle incessamment sa représentation dans des assemblées dont l’une a seule le droit de voter l’impôt, est un peuple qui a les moyens de se gouverner lui-même, ou du moins y peut aspirer. On est encore plus autorisé à penser ainsi surtout depuis le programme du 24 novembre. Ce programme a fait cesser une anomalie singulière : le peuple était bien représenté, mais il n’était informé qu’incomplètement ou indirectement des délibérations de ses représentans. Désormais, grâce à la publicité des chambres, les assemblées parleront et agiront sous l’œil du peuple, et seront par conséquent en communication directe avec lui. Toute lacune entre le mandant et les mandataires sera comblée. Ce n’est pas tout : en même temps que la représentation nationale se trouve ainsi mise en communication directe avec le peuple par la publicité de ses discussions, cette représentation fait un pas en avant vers le pouvoir exécutif, elle entre en un contact plus direct avec ce pouvoir au moyen du droit d’adresse. Que l’on donne le nom que l’on voudra à ce système d’institutions ; si l’on veut se laisser duper par les mots, que l’on proscrive le mot parlementaire, nous le voulons bien : nous qui mettons des choses avant les mots, nous voyons dans ces institutions sincèrement et activement pratiquées les élémens du gouvernement de la nation par la nation, c’est-à-dire du régime de liberté politique poursuivi par le système parlementaire.