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landes les oiseaux chantaient mieux qu’ailleurs. Jamais je ne trouvai une alouette comme celle que j’entendis en juillet sur le promontoire de Vallière. Elle montait dans l’esprit des fleurs, montait dorée du soleil qui se couchait dans l’Océan. » Cependant les jours succèdent aux jours, et bientôt des signes prophétiques apparaissent. « On remarquait des vents changeans, bizarres : exemple, un vent brûlant de l’est, un souffle d’orage venant toujours du côté serein. » Les signes physiques se multiplient, oppressant les poitrines et les imaginations comme le pressentiment d’un malheur prochain. Enfin l’ouragan tant annoncé éclate, et continue infatigablement six jours et six nuits. L’auteur y assiste de sa demeure, portes closes et volets fermés. On entend du dehors les bruits de la tempête, ses sifflemens et ses monosyllabes sauvages. De temps à autre, l’observateur hasarde l’œil aux fentes des volets, et il aperçoit les vagues, semblables à des chiens qui s’élancent pour saisir une proie qu’elles ne rencontrent point. Par instans, la porte s’entrouvre pour laisser passer des nouvelles sinistres : une barque a été brisée, un navire a sombré. C’est ainsi que les belles descriptions de pestes nous montrent les habitans des villes envahies par le fléau enfermés dans leurs demeures, entre-bâillant à peine leur porte, de peur de livrer passage à l’ennemi, et mesurant les progrès ou la décroissance de l’épidémie par la fréquence des chars funèbres qui ébranlent les pavés de leurs rues. La Tempête du 29 octobre est un morceau original, qui ne rappelle en rien les modèles classiques du genre ; l’auteur n’a pas reculé devant la bizarrerie de l’expression et la trivialité de l’image, lorsque cette bizarrerie et cette trivialité lui étaient nécessaires pour rendre plus vivement ses impressions. C’est une tempête réaliste, dans le bon sens du mot.

Mais c’est dans la seconde partie, la Genèse de la Mer, que l’auteur a pu donner libre carrière à son imagination facile aux métamorphoses. Là son style est plein de lueurs rapides, électriques comme les phosphorescences de la mer, de nuances tendres comme les couleurs de ces méduses qu’il a si poétiquement célébrées. On pourrait dire plus d’une fois de ses pages ce qu’il dit des fleurs animées de la mer : « Elles sont de toutes nuances, fines, et pales et pourtant chaudes : c’est comme une haleine devenue visible. » Je recommande spécialement le chapitre sur les méduses, qui est intitulé Fille des Mers. Il est impossible de mieux rendre le charme étrange et fantasmagorique de cet épanouissement de la vie maritime qui est si prompt à s’évanouir : « Toutes ces belles, à l’envi, flottant sur le vert miroir dans leurs couleurs gaies et douces, dans les mille attraits d’une coquetterie enfantine et qui s’ignore, ont embarrassé