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donc l’instruction, de quelque part qu’elle vous vienne, et soyez reconnaissans.

On pourrait contester peut-être la valeur scientifique de M. Michelet, s’il avait la prétention d’avoir inventé quelque loi nouvelle de la nature, ou découvert quelque phénomène inconnu avant lui ; mais il n’en est rien : ses livres ne sont pas autre chose que des vulgarisations poétiques. Ils mettent sous les yeux du lecteur les derniers résultats de la science, et les résument, pour l’usage de sa mémoire, dans un style pittoresque et plein d’images. Les documens originaux sont là, tout près du lecteur ; chacun peut les consulter, et combattre, s’il y a lieu, les assertions de l’auteur. Je ne crains qu’une chose, c’est que ses images les plus hyperboliques ne restent au-dessous de la réalité. Plaisantez tant qu’il vous plaira sur son étonnement en face des merveilles de l’infiniment petit : ce n’est pas son imagination qui a inventé le nombre de toises dont les Cordillères ont été exhaussées par les cadavres des infusoires. Moquez-vous de son expression le pouls de la mer ; vos railleries ne retomberont pas sur lui, à tout prendre, mais sur le lieutenant Maury ou tout autre savant que vous avez appris ou que vous apprendrez à respecter. On pourrait tout au plus le taxer d’exagération dans les observations qui lui sont personnelles et dans l’expression qu’il leur donne. Eh bien ! en vérité, je ne puis surprendre aucune exagération dans celles de ces observations que mon expérience me permet de vérifier et de contrôler. Prenons par exemple le livre de l’Oiseau. Je ne puis rien dire du kamichi ou de tel autre oiseau exotique, ne l’ayant jamais connu ; mais je connais familièrement l’alouette, le rossignol, le pinson, l’hirondelle, le pic, et je déclare que je n’ai rien à objecter aux récits que fait d’eux M. Michelet. Certains plaisans citadins qui n’ont jamais rien observé se sont fort divertis lorsque M. Michelet leur a dit que le pic était le symbole du travailleur, que l’alouette était un poète lyrique, le rossignol un poète dramatique, et cependant ces mots expriment la réalité même, Oui, l’alouette a un chant qui correspond exactement à la poésie lyrique : elle ne sait répéter que la même note, une note religieuse, sentimentale, pure de toute musique érotique et profane. Comme le poète religieux et l’âme adolescente, sa voix s’élève au lever de l’aurore et plane au-dessus des souillures de la terre, parmi les parfums qui montent des blés mûris et des prairies en fleurs, et le timbre de cette voix est si clair, si argentin, que les oreilles les plus rebelles l’entendent à des distances inouïes, comme les accens d’un vrai poète vont atteindre les auditeurs des plus lointaines contrées. Une petite chanson rustique de Burns finit par traverser l’espace ; il en est ainsi du chant de l’alouette. Quant au