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toute l’Allemagne, et quel Allemand croit émigrer tant qu’il reste dans les limites de la confédération germanique ?

Quel peut être l’avenir d’un district voué à une industrie dont le terme est fatalement fixé par la nature elle-même ? En un tel problème, un grand principe domine toutes les considérations de détail. Partout où se trouve une source de richesse, il faut se hâter d’en faire jouir la société, parce que la richesse est féconde, et plus tôt elle entre en circulation, plus rapidement elle se multiplie. Quand un capital se reproduit lui-même en vertu de certaines lois naturelles, on comprend aisément qu’on ne le dépense qu’en tenant compte de ces lois : c’est ainsi qu’on n’abat pas une forêt entière d’un seul coup, qu’on observe, pour en tirer le meilleur parti possible, les règles posées par la science et par une longue observation ; mais le capital enfoui dans des mines d’argent et de plomb n’est pas de ceux qui se reproduisent, et la nature ne remplit plus les filons que l’homme a vidés. En pareil cas, un système d’exploitation restreinte est un contre-sens économique, et dans le Harz en particulier il aboutit à ce singulier résultat, qu’établi pour satisfaire tous les intérêts, il n’en satisfait en définitive aucun, puisqu’il ne donne la richesse ni aux individus, ni à l’état.

Y a-t-il quelque grand intérêt social, relatif à la production des métaux précieux, qu’on puisse invoquer dans cette affaire ? Aucun assurément, car la production du Harz est tout à fait insignifiante, comparée à celle des autres pays qui possèdent des mines d’argent. C’est une goutte d’eau dans la mer. Lors même qu’il n’en serait point ainsi, la valeur des argumens que l’on peut invoquer contre le système d’exploitation restreinte du Harz ne serait nullement infirmée. Quel que soit le degré de richesse des filons du Harz, ce qui importe, c’est que cette richesse soit promptement rendue disponible. Si quelqu’un doutait de cette vérité, qu’il réfléchisse à l’heureuse révolution produite par la découverte des mines d’or de l’Australie et de la Californie. On vient, assure-t-on, de trouver dans ce dernier pays des filons d’argent d’une immense étendue et d’une fabuleuse richesse : ne devons-nous pas désirer de les voir exploités aussitôt que possible ? N’importe-t-il pas qu’au déluge d’or des dernières années succède un déluge d’argent ?

Si au point de vue de l’économie politique on peut adresser des critiques à l’administration du Harz, elle ne mérite, au point de vue technique, que des éloges. Elle ne s’endort pas dans la routine, comme des écrivains injustes et superficiels l’ont quelquefois prétendu. Elle a introduit depuis quelques années des innovations remarquables dans les opérations métallurgiques, dans celle notamment qui a pour but de séparer l’argent du plomb, avec lequel il est