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LES FANTAISIES
D'HISTOIRE NATURELLE
DE M. MICHELET

La Mer, par M. J. Michelet ; 1 volume in-12, 1861.

Puisqu’une occasion s’offre à nous de parler encore de M. Michelet, nous en profiterons pour défendre le jugement que nous ayons, à deux reprises déjà, porté sur la nature de son talent. Nous l’avions présenté comme possédant une des imaginations les plus fortes de notre époque. L’imagination, disions-nous, est la faculté maîtresse de M. Michelet, celle qui dirige toutes ses autres facultés, qui donne la vie à toutes ses pensées. Il ne possède pas son imagination, il en est possédé, et l’on petit dire sans hésitation qu’il représente, non pas telle ou telle forme de l’imagination, mais l’imagination elle-même. C’est un pur esprit, apte à s’incarner dans toutes les choses et dans tous les êtres, qui se prête à toutes les métamorphoses, qui n’a pas de préférences exclusives et qui n’a d’autre liberté que celle qui naît de l’obéissance passive, et de sa docilité à se laisser subjuguer par l’émotion et l’enthousiasme. Il ne domine pas ses sujets, il se laisse dominer par eux, enfermer dans leurs formes et teindre de leurs couleurs. Ni l’expérience ni l’étude, disions-nous encore, ne semblent lui avoir donné une faculté de plus, ni une méthode pour diriger ces facultés. Il n’y a rien d’acquis en lui ; l’étude semble n’avoir fait autre chose que fournir à son imagination le prétexte de nouvelles métamorphoses. La réflexion, la comparaison, le jugement, tous ces outils et tous ces