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Des crédits supplémentaires et extraordinaires se sont produits, en dehors des faits de la guerre de Crimée, dans de fortes proportions, dont le dernier exercice offre un exemple frappant. Les ressources du budget de 1858 ont été votées avec un excédant de 20 millions, qui se sont accrus de 60 millions, montant des plus-values réalisées sur les revenus publics ; cette somme est presque entièrement absorbée par des ouvertures de crédits extraordinaires et supplémentaires… Nous n’en avons pas encore les états complets ; mais les documens que nous possédons nous suffisent pour voir que quelques-uns au moins de ces crédits n’étaient pas commandés par une impérieuse nécessité. Parmi ces dépenses, il en est qu’on aurait pu prévoir, et d’autres qu’on aurait pu ajourner : dans le premier cas, on aurait obtenu le concours dû corps législatif, et dans le second cas on aurait eu l’avantage de la réflexion… La commission est unanime pour appeler l’attention du gouvernement sur la législation des crédits supplémentaires et sur l’utilité de rétablir la nomenclature des services votés[1]. »

L’abus devint bientôt plus grave encore. Des viremens de crédit eurent lieu d’un ministère à un autre. La commission chargée d’examiner le budget de 1860 s’empara de la protestation de la cour des comptes : « La cour des comptes, cette sage et vigilante gardienne des véritables principes financiers, a signalé à l’empereur des viremens sur les crédits destinés à la dette publique en faveur du service général du ministère des finances, et des viremens entre les crédits affectés au service de l’instruction publique et les crédits attribués au culte. Cependant, postérieurement à cette première observation[2], M. le ministre, par un décret du 27 janvier 1858, a affecté à divers services, financiers une somme provenant de crédits ouverts pour plusieurs chapitres de la dette perpétuelle et viagère. Sur ce nouveau fait, la cour, sans contester les conséquences absolues du texte du sénatus-consulte de 1852, persiste à penser que les dispositions en doivent être appliquées dans l’esprit qui les a dictées. Cette déclaration de la cour des comptes, celle du ministre, qui reconnaît le peu de corrélation et de solidarité entre des crédits d’une nature si différente, ne sont-ils pas la justification de la nécessité de la révision du sénatus-consulte de 1852[3] ? »

La commission du corps législatif, en posant une pareille question, savait que la poser, c’était la résoudre. Il n’est personne qui puisse sérieusement soutenir que l’administration des deniers de l’état soit soumise à autre chose qu’un contrôle de pure forme sous

  1. Moniteur du 21 mai 1859.
  2. Rapport de la cour des comptes ; page 52.
  3. Rapport de M. Devinck sur le budget de 1860.