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afin de rectifier des impressions fort erronées sur certaines dispositions du décret du 24 novembre 1860 ; je me hâte de rentrer dans ce qui est relatif aux finances seules.

Le vote du budget, non par article ou par chapitre, mais par ministère, ainsi que l’exige l’article 12 du sénatus-consulte organique du 30 décembre 1852[1], fait disparaître la véritable garantie d’une bonne administration financière, la spécialité des dépenses.

Le 8 février 1853, M. Bineau, ministre des finances, dans un rapport à l’empereur sur la situation des finances, exposait ainsi le nouveau mode de voter les budgets : « Désormais le budget sera voté par ministère ; la répartition par chapitres se fera par décrets impériaux. — En adoptant ce système, les auteurs de la constitution se sont inspirés de cette pensée, qu’au pays, par ses députés, il appartient de fixer annuellement la somme qu’il veut mettre à la disposition du chef de l’état pour le gouverner, l’administrer et le défendre, que, cette somme une fois déterminée, c’est au chef de l’état à en régler l’emploi suivant les besoins et les intérêts du pays. » — D’après M. Bineau, les dépensés de l’état devenaient ainsi une sorte d’entreprise à forfait. Il ne se chargeait pas d’expliquer comment le contrôle s’exercerait ; mais il garantissait les meilleurs résultats. « Ce système, tout en donnant au gouvernement la liberté et l’indépendance dont il a besoin, assurera au pays autant au moins de garanties d’économie qu’il en avait lorsque ses représentans étaient appelés à régler les moindres détails des services administratifs. » Toutefois, par une conséquence logique dont il était impossible de s’affranchir, le ministre ajoutait : « Le but sera atteint, sire, mais à condition que, sauf les cas tout à fait extraordinaires et exceptionnels, les crédits supplémentaires disparaîtront. La faculté de virement d’un chapitre à l’autre supprimera la presque totalité des annulations de crédit ; il faut que par contre elle supprime de même la presque totalité des crédits supplémentaires[2]. »

Sous le régime de la charte de 1830, le budget était voté par chapitres distincts ; aucune somme ne pouvait être reportée d’un chapitre à un autre. Lorsque les fonds votés ne suffisaient pas pour assurer les besoins du service, on avait recours aux crédits supplémentaires. Ces crédits supplémentaires devaient être l’objet d’ordonnances

  1. « Le budget des dépenses est présenté au corps législatif, avec des subdivisions administratives, par chapitres et par articles.
    « Il est voté par ministère.
    « La répartition par chapitres du crédit accordé pour chaque ministère est réglée par décret, de, l’empereur, rendu en conseil d’état.
    « Des décrets spéciaux, rendus dans la même forme, peuvent autoriser des viremens d’un chapitre à un autre. Cette disposition est applicable au budget de l’année 1853. » Article 12 du sénatus-consulte du 23 décembre 1852.)
  2. Moniteur de 1853, page 158.