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la commission du budget jugea prudent de se renfermer dans le chiffre de 40 millions. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui, au milieu de la paix, le gouvernement ait été amené à abandonner ce principe ? »

La réponse à cette question est dans le chiffre des découverts, dans l’élévation de la dette flottante, dans le déficit dont les nouvelles mesures économiques affectent le budget des recettes, dans la progression toujours croissante des dépenses et des crédits supplémentaires.

Le procédé si commode de la suppression de l’amortissement s’offrait le premier, et on y a recouru. La ressource est d’un effet immédiat et infaillible ; les périls, quelque grands qu’ils soient, ne menacent guère que l’avenir. La tentation était donc grande ; il aurait fallu, pour n’y pas succomber, une prévoyance qu’on traite volontiers de pusillanimité, ou la crainte de résistances auxquelles on n’est plus habitué.

L’amortissement a été créé et doté par la loi de finances du 4 mai 1816. L’article 115 lui donnait un caractère d’inviolabilité et le plaçait sous la sauvegarde des chambres : « Il ne pourra, dans aucun cas ni sous aucun prétexte, être porté atteinte à la dotation de la caisse d’amortissement. Elle est placée de la manière la plus spéciale sous la surveillance, et la garantie de l’autorité législative. » Jusqu’à la chute de la monarchie constitutionnelle, ces dispositions, modifiées dans l’application par les lois de 1825 et de 1833, furent respectées dans leur principe ; de 1816 au 24 février 1848, l’amortissement ne cessa pas un moment de fonctionner.

Membre de la chambre des députés en 1847, M. Achille Fould, tout en ne voulant pas qu’on exagérât la puissance de l’amortissement, en proclamait ainsi la nécessité : « Un état qui ne profiterait pas des périodes de paix et de prospérité pour réduire les dettes qu’il aurait contractées dans des temps de crise et de guerre manquerait de prévoyance et grèverait ses finances d’un fardeau qu’elles ne pourraient supporter sans un surcroît intolérable d’impôts[1]. »

Il ne sera pas inutile de dire quelques mots de l’organisation et de l’action de l’amortissement avant de montrer quels services il a rendus. La loi de 1816, en instituant une caisse spéciale pour l’amortissement de la dette publique, lui avait attribué une dotation annuelle de 20 millions, que la loi du 25 mars 1817 porta à 40 millions, en y ajoutant 83 millions, produit net de la vente de 150,000 hectares de bois. Lors de la conversion des rentes 5 pour 100 en 3 et 4 1/2 pour 100 en 1825, il fut décidé que désormais les rachats de rentes

  1. Séance du 6 mai 1847.