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portant son capital nominal au-delà de 9 milliards, — tel est le résumé de l’augmentation des charges de l’état depuis huit ans. Il est donc impossible de songer sans regret au degré de prospérité que la France aurait pu atteindre sous une administration plus économe et plus contenue.

Dans une sorte de manifeste inséré en gros texte au Moniteur du 11 mars 1853, et destiné à expliquer et à justifier le système adopté pour le vote des budgets, le rédacteur officiel, après avoir constaté l’élévation successive des chiffres du budget de 1830 à 1847, ajoutait : « Il est assurément loin de la pensée du gouvernement actuel de blâmer d’une manière absolue cet accroissement successif des dépenses publiques ; il n’ignore pas que la plupart ont eu pour cause des travaux importans, des institutions utiles, des entreprises fécondes dont la France recueille aujourd’hui les fruits et qui ont accru considérablement les recettes du trésor. Ce qu’il importe seulement de constater, c’est que ces fameuses luttes oratoires à propos du budget, au lieu des économies que s’en promettaient les contribuables, n’aboutissaient presque jamais qu’à l’augmentation des dépenses publiques[1].

Si les luttes oratoires n’ont pas empêché les budgets de s’accroître de 1830 à 1848, il n’est pas moins certain que les précautions très efficaces prises contre l’abus de ces luttes n’ont pas empêché les budgets de s’accroître, dans une proportion bien plus considérable, de 1852 à 1861. Voici en effet ce que, les chiffres officiels à la main, on pourrait répondre aujourd’hui au Moniteur : — Si l’augmentation est, suivant vous, de 481 millions, de l’exercice 1830 à l’exercice 1847, c’est-à-dire en dix-sept années, celle qui ressort de la comparaison des recettes ordinaires pour les exercices 1852 et 1861 est de 503 millions en neuf ans : 1 milliard 336 millions en 1852,1 milliard 839 millions en 4861[2]. — Le raisonnement du Moniteur de 1853 deviendrait donc fort embarrassant pour le Moniteur de 1861, s’il jugeait à propos (ce qui semble peu probable) de faire un nouveau cours de philosophie des budgets.

J’irai au-devant d’une objection. — Les recettes, dira-t-on, se sont considérablement accrues ; la prospérité commerciale et industrielle qui a succédé, après 1852, à quatre années de troubles et d’alarmes a développé la fortune publique dans des proportions sans précédens, avec une rapidité sans exemple ; la marche seule du temps, les progrès du revenu, l’augmentation corrélative des frais de perception, l’inscription au budget de quelques nouveaux comptes

  1. Moniteur du 11 mars 1853.
  2. Je prends le chiffre de 1852 dans le compte général de 1850, et celui de 1861 dans le budget.