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LES
FINANCES DE L'EMPIRE

S’il est des intérêts dont la protection efficace ne puisse être assurée sans le libre contrôle et sans le libre vote des représentans de la nation, seule garantie certaine de ce contrôle, à coup sûr ces intérêts sont ceux de la fortune publique. Les pays longtemps soumis au despotisme ont tous de mauvaises finances ; les pays libres sont les seuls où le crédit reste fermement assis, où les impôts soient facilement perçus, où la richesse publique soit prudemment ménagée. Que l’on compare, pour s’en convaincre, l’Autriche, l’Espagne, la Turquie, l’Angleterre, à la France constitutionnelle, à la Belgique.

Quelle que soit en effet la forme du gouvernement, tous ceux à qui appartient le pouvoir ou qui en exercent la délégation, souverains ou ministres, sont entraînés vers la dépense. Il ne faut faire à personne un crime de cette tendance : elle est naturelle, et quand elle ne conduit pas trop loin, elle est légitime. On ne fait de grandes choses qu’avec de l’argent. M. le baron Louis avait coutume de dire à ses collègues : « Faites-moi de la bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances. » La réciproque est d’une vérité non moins rigoureuse de bonnes finances sont le puissant auxiliaire d’une bonne politique.

Dans un gouvernement bien pondéré, une lutte constante et salutaire s’établit donc entre ceux qui sont chargés de la dépense et ceux dont le rôle est de la modérer ; le ministre des finances doit être un intermédiaire entre eux, conseillant aux uns de ne demander que ce qui est indispensable, s’efforçant de convaincre les autres de la nécessité de l’accorder. Lorsque ces tempéramens n’existent