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que la pratique des langues orientales rendait d’autant plus propre à aborder cette question, et qui en a fait une étude toute spéciale, M. Pruner-Bey, a bien voulu résumer pour nous le fruit de ses recherches sur le même sujet. Tous ces travaux s’accordent entièrement et aboutissent à des conclusions identiques. Les idiomes australiens, quoique nombreux et très variés, se rattachent tous à une langue fondamentale : celle-ci présente avec les langues drawidiennes de l’Inde des ressemblances telles qu’on ne saurait les séparer, et qu’on est conduit à les réunir dans une même famille. Ainsi la linguistique, aussi bien que les caractères physiques, loin d’isoler les Australiens, les rattachent à des populations continentales. Enfin ces deux ordres d’idées et de faits, d’accord en ceci comme en tout le reste, accusent un mélange de sang et de langues, si bien que, loin d’être une espèce à part, les Australiens ne forment même pas une race pure, et sont manifestement le produit du croisement des véritables nègres orientaux avec un élément jaune ou malayou[1].

Et maintenant tirons de tous les faits particuliers que nous venons d’exposer la conséquence générale qui en ressort naturellement. Frappés des différences qui existent entre les groupes humains, les polygénistes ont cru ne pouvoir en rendre compte qu’en admettant l’existence de plusieurs espèces d’hommes. Or une étude attentive démontre que, sous le rapport de la nature, ces différences rentrent complètement dans l’ordre de celles que présentent les races végétales et animales. En outre, il résulte d’une comparaison rigoureuse que, sous le rapport de l’étendue, les races animales offrent de l’une à l’autre des variations plus considérables à tous égards que les populations humaines les plus éloignées. À vouloir tirer de ces faits toutes leurs conséquences légitimes, nous serions en droit de conclure qu’à eux seuls ils rendent la doctrine de l’unité plus probable que la doctrine contraire. Nous ne voulons pourtant pas aller encore jusque-là, et nous nous bornerons à dire : Pour expliquer la diversité des groupes humains, il est inutile de recourir à l’hypothèse de la multiplicité des espèces, la multiplicité des races et l’unité de l’espèce suffisent. Les argumens tirés par les polygénistes des différences existant entre ces groupes n’ont donc aucune valeur.


A. DE QUATREFAGES.

  1. J’ai exposé avec détail tous ces faits et les conclusions qui en ressortent dans mon cours au Muséum en 1857.