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Un habit de toile grise, une petite lampe qu’on suspend par un crochet, des outils de forage complètent son équipement. Quand les mines n’ont pas une profondeur excessive, on y descend simplement par des échelles. Tout le long du puits creusé dans le rocher sont de petits planchers reliés par des échelles droites ; on descend sur l’une d’elles et l’on arrive sur le plancher inférieur, percé d’un trou assez large pour laisser passer un homme ; on descend par ce trou sur l’échelle suivante, et ainsi de suite. Qu’on se figure un tel exercice prolongé pendant une ou deux heures ; les barreaux des échelles sont sales et fangeux, l’eau suinte de toutes parts, la lampe fumeuse ne jette qu’une lueur rouge et vacillante. L’on descend, l’on descend toujours, et le mineur est déjà épuisé avant de commencer son véritable travail. La montée et la descente ne sont pas la partie la moins pénible de son existence ; ce n’est pas une distance de quelques mètres qui le sépare de son chantier, ce sont des distances effrayantes de plusieurs centaines de mètres. À Andreasberg, localité depuis longtemps célèbre pour ses minerais d’argent, le puits Samson, le plus profond qui existe au monde, descend à 230 mètres au-dessous du niveau de la Mer du Nord et à 791 mètres au-dessous du sol. Le puits du comte George-Guillaume, à Clausthal, a 604 mètres de profondeur.

Une invention extrêmement ingénieuse qui remonte à l’année 1833 a diminué en grande partie la fatigue des descentes et des ascensions perpétuelles : c’est celle des machines nommées fahrkunst. On la doit à un simple bergmeister (maître mineur) du Harz nommé Dörell. Qu’on imagine deux tiges en bois descendant dans toute la profondeur d’un puits de mine ; de distance en distance sont fixés à ces tiges de petits planchers où un homme peut se tenir debout en gardant sa main accrochée à un crampon de fer. Pendant que l’une de ces tiges monte, l’autre descend, et ce mouvement alternatif est entretenu par une machine hydraulique installée à l’orifice du puits. Qu’on se représente un mineur juché le long d’une de ces tiges : il descend d’abord sur cette tige ; puis, au moment où elle va remonter, il la quitte subitement, et, faisant un simple pas de côté, met le pied sur un des planchers de la tige voisine qui vient à l’instant opportun se présenter à lui. Pour exécuter ce mouvement avec sécurité, il saisit d’abord le crampon en fer qui doit lui servir de nouveau support, puis pose immédiatement le pied sur le plancher correspondant. Qu’arrive-t-il au moment où il a changé de position ? C’est que la tige à laquelle il est suspendu commence à descendre : il descend avec elle et exécute la même manœuvre quand elle a atteint le bout de sa course. Il profite ainsi du mouvement alternatif des deux tiges, et, passant sans cesse de l’une à l’autre, descend