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est écrasé sous l’eau, dans une rigole où tombent et retombent sans cesse des espèces de massues. Vous fuyez rapidement le vacarme étourdissant de ces bocards, et l’on vous montre le minerai agité dans des cribles de toute sorte, où les morceaux se séparent par ordre de richesse et de grosseur. Il ne reste bientôt que des fragmens bons à porter au four, et des parties si fines qu’elles deviennent boueuses, mais auxquelles il faut encore ravir le minerai qu’elles renferment. Vous voyez cette boue descendre en couche légère, lavée par une nappe d’eau qui coule sans cesse, sur une sorte de plan incliné nommé table à secousses, auquel un mécanisme très simple imprime un constant mouvement d’agitation. Des enfans, le balai à la main, vont sans cesse d’un bout à l’autre de ces tables pour rejeter la boue terreuse, et de temps en temps recueillent la boue métallique, qui, plus lourde et moins facile à entraîner, s’amasse à part. Déjà pourtant ces simples appareils disparaissent, et il n’y aura bientôt plus besoin de bras dans ces ateliers. Là comme partout ailleurs, la machine remplace l’homme. On a déjà établi au Harz des mécanismes qui se renvoient le minerai les uns aux autres dans un état de pureté de plus en plus avancé. Le morceau de filon entre d’un côté dans le bocard ; de l’autre, après une longue suite d’épurations, sort une boue presque impalpable, qui ne contient plus de substance riche : tout ce qui est métallique est retenu en chemin à l’état de fragmens plus ou moins ténus. L’eau fait marcher tous les intelligens mécanismes de ces ateliers étages, et on n’y emploie plus que des surveillans pour en régler le jeu et les réparer au besoin[1]. Chaque progrès de ce genre est un bienfait pour toute la population ouvrière, car, en diminuant les frais généraux de l’exploitation des mines, on arrive à pouvoir utiliser des minerais de plus en plus pauvres, et par conséquent on rejette vers un avenir plus lointain le moment où les mines seront épuisées. C’est pour ainsi dire un nouveau bail séculaire avec les filons de la montagne.

Le jeune mineur, après avoir terminé son apprentissage dans les ateliers extérieurs des mines, commence enfin son existence souterraine : chaque semaine, il doit descendre six fois dans les mines et y demeurer pendant huit heures ; il arrive à l’entrée du puits en costume de travail, avec un bonnet de feutre épais pour garantir la tête contre les coups, et autour des reins un morceau de cuir pour travailler assis dans des terres mouillées par des eaux vitrioliques.

  1. L’administration, très préoccupée des perfectionnemens qu’il convient d’apporter dans la préparation mécanique des minerais, venait, au moment où je passai dans le Harz, de faire construire, pour les soumettre à l’essai, les machines les plus perfectionnées qu’on emploie dans divers pays ; quelques-unes fonctionnaient déjà.