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fortunées de sa vie. Une petite horloge en bois, quelques gravures enluminées, ornent seules les murs ; mais sur le sol des enfans se roulent parmi des jouets, et la jeune mère présente au mineur son dernier né, dont les petits bras semblent chercher le baiser d’adieu. Ce dessin me rappelait les célèbres adieux d’Andromaque et d’Hector ; j’y retrouvais les mêmes sentimens, la sombre inquiétude qui naît de l’idée d’une mort peut-être prochaine, l’enfance mêlant ses grâces ignorantes aux troubles de l’âge mûr. Ce qui donne au poème homérique une jeunesse éternelle, n’est-ce pas la peinture de passions que l’homme éprouvera toujours, dans tous les pays, tant qu’il saura aimer et souffrir ?

À quatorze ans, les petits garçons commencent leur apprentissage dans les haldes, à l’orifice des puits. Dans le filon, les matières métalliques et les matières stériles sont mélangées et juxtaposées ; en outre l’on ne peut abattre le filon sans arracher une partie de la roche où il se ramifie. Les enfans examinent donc un à un tous les morceaux qui sortent du puits ; ils apprennent à y distinguer tous les minéraux, et séparent en tas différens ceux où domine une substance particulière : le plomb argentifère, le minerai de cuivre on le minerai de zinc. Ce n’est pas encore assez ; parmi les minerais de plomb et d’argent, il faut classer ensemble les morceaux de richesse à peu près pareille. Ce premier travail, si rebutant, si ennuyeux, est la base même des opérations si complexes auxquelles sont soumis les minerais ; mais l’enfant qui s’y livre a du moins le bénéfice du grand air. Les haldes où se fait cette opération de triage sont établis sur le flanc de pittoresques vallées, au milieu des sapins, sur des hauteurs d’où l’œil peut plonger dans les horizons sinueux des montagnes. Commencée dans les haldes des mines, l’éducation pratique du jeune mineur se continue dans les ateliers où le minerai est préparé pour la fusion. Ces ateliers sont situés au fond des vallées, échelonnés les uns au-dessous des autres, et reçoivent successivement l’eau dont ils empruntent la force mécanique. On a écrit bien des volumes, et l’on en écrira sans doute encore beaucoup, sur ces curieux établissemens : le problème qu’on cherche à y résoudre aussi complètement que possible consiste à séparer les matières stériles et la matière féconde ou métallique qui se trouvent mélangées dans les fragmens apportés des haldes. Ces procédés de séparation doivent être assez économiques pour qu’on puisse encore exploiter avec avantage des minerais d’une extrême pauvreté, où l’argent n’entre plus que dans une proportion tout à fait insignifiante. Ils sont tous fondés sur un principe très simple, sur la résistance inégale qu’opposent à un courant d’eau une substance lourde et une substance légère, plus facile par conséquent à soulever ou à emporter. Le minerai