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arbre nain, un ajonc qui perd ses piquans, un rosier sans épines ou dont les rameaux se couvrent de poils simulant une espèce de mousse, une fleur simple d’ordinaire et que l’art a su rendre double, attirent vite l’attention ; mais parfois il faut aller au-delà de l’écorce et pénétrer à l’intérieur pour reconnaître certains changemens anatomiques. La poire de nos vergers, la carotte de nos plates-bandes, n’ont pas seulement atteint une énorme grosseur : la chair de ce fruit, de cette racine, s’est en outre modifiée ; elle a acquis des qualités nouvelles par la multiplication de certains tissus élémentaires, la réduction de certains autres, la modification de presque tous. Les changemens anatomiques peuvent donc atteindre les organes, les tissus les plus profonds, aussi bien que les plus superficiels.

Les variations essentiellement physiologiques des espèces végétales sont peut-être plus importantes encore que les précédentes, parce qu’on en constate de toutes semblables chez les animaux. Bornons-nous-cependant à citer quelques faits relatifs à la rapidité du développement et au plus ou moins d’activité des fonctions de reproduction. Parmi nos végétaux cultivés, l’activité vitale présente parfois, d’une race à l’autre, de très grandes différences. Nos céréales fournissent ici un exemple frappant. En moyenne, le développement complet des blés d’automne, des semailles à la moisson, demande trois cents jours, celui des blés de printemps cent cinquante jours, celui des blés de mai cent jours seulement, et ces derniers, en Égypte, au Bengale, donnent deux récoltes par année sur le même champ. Cette aptitude à un développement rapide chez certaines races est parfois la condition indispensable de l’existence d’une espèce dans un. lieu déterminé. L’orge pamelle de nos zones tempérées se sème en mars et se récolte en août ; elle met ainsi cinq mois à germer, à croître, à mûrir. En Finlande et en Laponie, les dernières et les premières gelées ne laissent à la même plante que deux mois pour parcourir toutes les phases de son existence. Aussi sème-t-on à la fin de mai pour moissonner à la fin de juillet. Notre orge de France, employée comme semence dans les régions boréales, n’arriverait certainement pas à maturité. Quelques années au moins seraient nécessaires pour l’acclimater de manière à ce qu’elle pût se reproduire, et sans doute elle passerait par des phases analogues à celles qu’a présentées la race du froment d’automne, quand on a essayé de la semer au printemps. La première année, sur cent tiges sorties d’autant de grains de blé, dix environ sont parvenues à former leur épi, et quatre seulement ont donné des graines mûres. Ces graines mûres ont été de nouveau semées au printemps, et dans cette seconde expérience le nombre des tiges dont l’épi a mûri s’est élevé à cinquante. Ce n’est que pendant la troisième année que les